
Chroniques
18 Mars 2025
Le militantisme acadien est-il en panne ?
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Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com
Le Cercle acadien de la langue française a organisé la semaine dernière une conférence sur le militantisme acadien. De tels événements doivent se multiplier afin de nourrir nos capacités d’analyse et de mieux définir nos perspectives d’avenir comme peuple. Même si les panélistes ont plutôt bien performé dans l’ensemble, je suis resté sur ma faim intellectuelle.
Il me semble que l’on n’a pas assez insisté sur les capacités historiques de mobilisation populaire acadienne pour expliquer l’évolution politique et économique de notre société. Les panélistes ont passé sous silence l’existence et le rôle qu'a pu jouer le Parti acadien, par exemple. Ils n’ont pas évoqué non plus les grandes manifestations, dans le domaine des pêches, pour bâtir la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels (FRAPP) ou encore l’Union des pêcheurs professionnels (UPM) afin de professionnaliser le métier de pêcheurs.
Et que dire du travail des valeureux patriotes qui ont mis sur pied les caisses populaires acadiennes et l’Assomption ? Avec la Patente, ces institutions ont joué un rôle déterminant pour façonner et définir l’Acadie d’aujourd’hui. Un rôle qu’elles ont malheureusement abandonné dans leur virage anglophile des dernières années… pour faire plus d’argent! J’ai hâte de lire les études pour savoir si ces virages stratégiques vers l’anglophonie se sont avérés productifs, tant en termes de membres que d’argent comme tel. Le désengagement patriotique de ces deux institutions continue à faire mal à l’Acadie.
Les batailles épiques pour nous doter des systèmes acadiens d’éducation et de santé, et pour accéder à l’égalité réelle (encore plus sur le papier que dans la réalité), ne peuvent pas passer inaperçus.
La pression populaire et l’activisme politique et citoyen ont permis ces gains. Je suis prêt à reconnaître avec Joseph-Yvon Thériault, qu’il a fallu, à chaque étape, quelques technocrates et politiciens pour transposer en lois et en politiques la volonté populaire. Mais le génie de Ti-Louis Robichaud a été de devancer son propre peuple dans sa volonté d’être plus égal et prospère. À part les spectaculaires manifestations de 1968 pour enterrer la peur, il y a eu peu d’expressions populaires durant les huit premières années du régime Robichaud. Celui-ci incarnait la justice sociale, économique et linguistique, porteuse d’épanouissement de l’Acadie.
Qu’en est-il aujourd’hui? Trop de personnes pensent que tout est réglé, et que nous devons nous contenter du statu quo. Pourtant, la réalité de l’assimilation se perpétue. Nos communautés à majorité acadienne, surtout rurales, perdent leur espace linguistique majoritaire. Pire, ce sont des Acadiens eux-mêmes qui refusent de s’affirmer “à part entière”, comme dit la Sagouine.
Actuellement, c’est le mouvement féministe, représenté par le Regroupement féministe et la Coalition pour l’équité salariale, qui semble le plus militant. Il y a aussi la “gang” de Serge Brideau au sujet des bleuétières, le groupe de chômeurs sous la direction de Fernand Thibodeau, l’activisme judiciaire d’Égalité en français, le mouvement pour un nouveau nom pour l’Université de Moncton. Il n’y a rien d'autre à l’horizon.
Même la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et la Société nationale de l’Acadie (SNA) n’occupent presque plus l’espace médiatique. Elles ne portent pas suffisamment les dossiers importants que sont l’immigration francophone et la création d’un poste de sous-ministre aux langues officielles comme l’avait promis le Parti libéral; ou encore, réagir pour notre communauté aux menaces trumpistes et à la décision de Trump de faire de l’anglais la seule langue officielle aux États-Unis, et plein d’autres sujets.
Il est stupéfiant de constater que, même si la société acadienne contrôle son système d’éducation depuis 1974, il n’y a pas de cours obligatoire d’histoire acadienne à l’école. Par ailleurs, il faudrait que l’Université ne délivre aucun diplôme sans qu’au préalable tous les étudiants, y compris les étudiants étrangers, aient suivi eux aussi un cours d’histoire acadienne.
Je déplore l’amorphisme professoral et estudiantin généralisé à notre université. Nous avons le droit d’être nostalgiques d’une époque où les étudiants étaient meneurs de dossiers, appuyés par de nombreux professeurs comme Serge Morin, Simone LeBlanc-Rainville, Maurice Rainville, Nasser Baccouche, Hector Haché et plein d’autres.
L’Acadie ne pourra continuer à grandir que s’il y a encore de l’interventionnisme militant. Seuls les Acadiens et les Acadiennes, y inclus ceux qui le deviennent par choix, permettront à l’Acadie d’être plus forte et libre en posant des gestes militants.
jmlacadie1@gmail.com
Le Cercle acadien de la langue française a organisé la semaine dernière une conférence sur le militantisme acadien. De tels événements doivent se multiplier afin de nourrir nos capacités d’analyse et de mieux définir nos perspectives d’avenir comme peuple. Même si les panélistes ont plutôt bien performé dans l’ensemble, je suis resté sur ma faim intellectuelle.
Il me semble que l’on n’a pas assez insisté sur les capacités historiques de mobilisation populaire acadienne pour expliquer l’évolution politique et économique de notre société. Les panélistes ont passé sous silence l’existence et le rôle qu'a pu jouer le Parti acadien, par exemple. Ils n’ont pas évoqué non plus les grandes manifestations, dans le domaine des pêches, pour bâtir la Fédération régionale acadienne des pêcheurs professionnels (FRAPP) ou encore l’Union des pêcheurs professionnels (UPM) afin de professionnaliser le métier de pêcheurs.
Et que dire du travail des valeureux patriotes qui ont mis sur pied les caisses populaires acadiennes et l’Assomption ? Avec la Patente, ces institutions ont joué un rôle déterminant pour façonner et définir l’Acadie d’aujourd’hui. Un rôle qu’elles ont malheureusement abandonné dans leur virage anglophile des dernières années… pour faire plus d’argent! J’ai hâte de lire les études pour savoir si ces virages stratégiques vers l’anglophonie se sont avérés productifs, tant en termes de membres que d’argent comme tel. Le désengagement patriotique de ces deux institutions continue à faire mal à l’Acadie.
Les batailles épiques pour nous doter des systèmes acadiens d’éducation et de santé, et pour accéder à l’égalité réelle (encore plus sur le papier que dans la réalité), ne peuvent pas passer inaperçus.
La pression populaire et l’activisme politique et citoyen ont permis ces gains. Je suis prêt à reconnaître avec Joseph-Yvon Thériault, qu’il a fallu, à chaque étape, quelques technocrates et politiciens pour transposer en lois et en politiques la volonté populaire. Mais le génie de Ti-Louis Robichaud a été de devancer son propre peuple dans sa volonté d’être plus égal et prospère. À part les spectaculaires manifestations de 1968 pour enterrer la peur, il y a eu peu d’expressions populaires durant les huit premières années du régime Robichaud. Celui-ci incarnait la justice sociale, économique et linguistique, porteuse d’épanouissement de l’Acadie.
Qu’en est-il aujourd’hui? Trop de personnes pensent que tout est réglé, et que nous devons nous contenter du statu quo. Pourtant, la réalité de l’assimilation se perpétue. Nos communautés à majorité acadienne, surtout rurales, perdent leur espace linguistique majoritaire. Pire, ce sont des Acadiens eux-mêmes qui refusent de s’affirmer “à part entière”, comme dit la Sagouine.
Actuellement, c’est le mouvement féministe, représenté par le Regroupement féministe et la Coalition pour l’équité salariale, qui semble le plus militant. Il y a aussi la “gang” de Serge Brideau au sujet des bleuétières, le groupe de chômeurs sous la direction de Fernand Thibodeau, l’activisme judiciaire d’Égalité en français, le mouvement pour un nouveau nom pour l’Université de Moncton. Il n’y a rien d'autre à l’horizon.
Même la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et la Société nationale de l’Acadie (SNA) n’occupent presque plus l’espace médiatique. Elles ne portent pas suffisamment les dossiers importants que sont l’immigration francophone et la création d’un poste de sous-ministre aux langues officielles comme l’avait promis le Parti libéral; ou encore, réagir pour notre communauté aux menaces trumpistes et à la décision de Trump de faire de l’anglais la seule langue officielle aux États-Unis, et plein d’autres sujets.
Il est stupéfiant de constater que, même si la société acadienne contrôle son système d’éducation depuis 1974, il n’y a pas de cours obligatoire d’histoire acadienne à l’école. Par ailleurs, il faudrait que l’Université ne délivre aucun diplôme sans qu’au préalable tous les étudiants, y compris les étudiants étrangers, aient suivi eux aussi un cours d’histoire acadienne.
Je déplore l’amorphisme professoral et estudiantin généralisé à notre université. Nous avons le droit d’être nostalgiques d’une époque où les étudiants étaient meneurs de dossiers, appuyés par de nombreux professeurs comme Serge Morin, Simone LeBlanc-Rainville, Maurice Rainville, Nasser Baccouche, Hector Haché et plein d’autres.
L’Acadie ne pourra continuer à grandir que s’il y a encore de l’interventionnisme militant. Seuls les Acadiens et les Acadiennes, y inclus ceux qui le deviennent par choix, permettront à l’Acadie d’être plus forte et libre en posant des gestes militants.