
Pèlerinages médicaux
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Jean-Marie Nadeau
Oups, j’ai raté ma chronique de la semaine dernière. Je n’ai pas pu la faire, tout simplement parce que j’ai subi le 9 septembre dernier la plus grosse crise cardiaque que je n’aurais pu imaginer de ma vie. J’étais condamné à ce rappel brutal, mais je suis toujours vivant.
Il y a plusieurs semaines, j’écrivais une chronique intitulée “Ça n’arrive qu’aux autres”. J’y parlais des feux de forêt qui sévissaient dans l’Ouest au début de l’été. Mais la nature, aussi ratoureuse qu’elle puisse être, nous avait amené dans les mois qui ont suivi les mêmes feux ici en Atlantique. Les autres étaient devenus nous.
L’année 2025 a été pourtant très douloureuse pour moi en termes de morts proches. Ma nièce France, âgée de 52 ans; un de mes meilleurs amis, Pierre, décédé brutalement à 65 ans; les grandes Acadiennes Antonine, Huberte et Marguerite; Cayouche et Fayo; mes amis pêcheurs Hermé et Paul-Aimé, et j’en passe. Et je me suis presque perdu moi-même!
Vous raconter mes dernières aventures médicales est une occasion privilégiée pour moi de parler du système de santé que nous avons. La modernité de nos installations et la compétence de nos soignants sont excellentes. Et pourtant, quand je continue à voir tous les jours des petits enfants de Gaza ou d’Ukraine transborder dans des hôpitaux délabrés suite à des bombardements meurtriers dans des écoles, des hôpitaux ou des centres d’achat, je ne peux m’empêcher de pleurer et de crier mon indignation.
C’est grâce à la perspicacité d’une de mes filles qui, une semaine après avoir été happé, a eu le réflexe d’appeler le 811, qui nous a tout de suite demandé d’appeler une ambulance. Le drame a dès lors été constaté à Georges-Dumont, comme quoi une crise cardiaque avait eu. Personne n’a niaisé avec la “puck”: une semaine à Georges-Dumont, et une semaine au Centre cardiaque de Saint-Jean!
Si vous avez un gros problème cardiaque au Nouveau-Brunswick, c’est surtout à Saint-Jean que vous devez aller pour vous faire soigner (le Nord-Ouest va principalement au Québec). Vous y trouvez les meilleurs spécialistes au monde. Mais il y a un gros problème: le service n’y est qu’à trente pour cent francophone. Tous les soignants y sont d’une gentillesse extrême, s’excusant au premier souffle de ne pas pouvoir vous servir en français. J’avais passé une journée à Saint-Jean en 2014 : tout m’avait semblé bilingue. Une semaine en 2025, et tout s’est surtout passé en anglais. C’est une tare qu’il faut continuer de dénoncer… mais mon cœur a surmonté l’épreuve!
Ça fait 63 ans que je fume, et j’aime fumer. Tout cela a commencé à 14 ans au Collège de Bathurst, quand je me suis acheté des cigarettes après avoir vendu des bouteilles… et ça me colle à la peau. Je ne suis pas suicidaire, mais continuer à fumer serait un geste suicidaire. M’arrêter de fumer est, pour le moment, mon plus grand défi à court terme.
S’il y a une chose que je ne comprendrai jamais des hôpitaux, c’est leur incapacité à faire de la bonne nourriture. Étant moi-même aussi diabétique de Type 2, il est difficile de constater que l’on ne puisse pas me servir des repas propres à cet état. Il y a toujours plein se sucre. Il est difficile de croire qu’en France l’on serve de telles incongruités.
Enfin, je ne comprends pas la sur-médicamentation des aînés. Pourtant, ce phénomène est de plus en plus dénoncé pour ce qui est du traitement de la vieillesse.
Si j’ai choisi de partager avec vous ces quelques réflexions quant à mes derniers pèlerinages médicaux, ce n’est pas tellement pour dénigrer le système que pour laisser entrevoir qu’il y a encore de la place pour d’énormes améliorations. J’aime la vie par-dessus tout, mais je ne voudrais pas me rendre jusqu’à près de cent ans, comme une de mes vieilles tantes. Une autre bonne quinzaine d’années ferait l’affaire. Je suis plus près de la mort que de la vie. Je n’ai pas peur de mourir, sauf pour ce qui est de voir mes sept petits-enfants grandir. Mais sachez une chose: ce n’est pas avec un cœur brisé que je ne vais pas rester vigilant toute ma vie. Je resterai debout jusqu’à la fin!