Chroniques
23 Septembre 2025
Vérité et Réconciliation : une blessure toujours ouverte, un voyage à poursuivre ensemble
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Susan Levi-Peters
En 2007, lorsque l'accord de vérité et de réconciliation a été conclu, j'étais chef de ma communauté. C'était après la révélation de l'époque des pensionnats autochtones, l'histoire horrible d'un lent génocide…
La «vérité et réconciliatio » devrait être au sens où on l'appelle, «vérité et réconciliation». Les abus subis par notre peuple dans les pensionnats ont été révélés, et leur histoire devait être partagée. Le rapport final a été publié en 2015, et la mise en œuvre de la recommandation était/est en cours.
Je n'ai pas fréquenté de pensionnat autochtone. Des enfants d'Elsipogtog ont fréquenté le pensionnat de Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse. Ce pensionnat a fermé ses portes en 1967, il y a moins de 60 ans.
De nombreux témoignages ont été partagés sur les violences physiques, sexuelles, psychologiques, émotionnelles et spirituelles subies par les élèves. Les enfants ont été contraints d'y assister, arrachés à leur famille et à leur communauté.
Après la «Vérité et Réconciliation», un changement important est que tous les pensionnats sont désormais fermés.
Malheureusement, très peu de choses positives se sont produites ces dix dernières années. La situation est allée de mal en pis, la plaie est ouverte et semble incurable.
***
L'été dernier, j'ai participé à l'organisation du tout premier congrès de BD dans une Première Nation du Canada atlantique. Nous voulions promouvoir l'idée qu'il est acceptable de faire de l'art et de l'artisanat, et qu'être geek, c'est acceptable.
En tant que membres des Premières Nations, en tant qu’artistes, la vie néglige parfois nos talents, ils ne sont pas bien acceptés, surtout dans le système scolaire.
L’art, la musique, le théâtre et les autres formes d’art sont un don du Créateur, ils doivent être partagés pour être inspirés.
Récemment, une autre vérité a été révélée : il s'agit des externats indiens (Indian Day Schools). Ces écoles se trouvaient dans les réserves et la plupart, sinon la totalité, des enfants vivant dans les réserves y étaient scolarisés.
Dans ma communauté, l’externat indien a ouvert ses portes en 1897 jusqu'en 1985. L’absence d’un enfant pouvait entraîner pour les parents la menace d’un retrait de sa garde. Ces enfants étaient victimes de maltraitance, eux aussi victimes de violences physiques, sexuelles, mentales, émotionnelles et spirituelles. Ils étaient sans voix.
En tant que survivante d'un externat indien, j'ai été déçue d'apprendre que les gouvernements fédéral et provincial ne pouvaient pas financer le tout premier congrès de BD de notre communauté. Cela m'a fait réaliser que rien n'avait changé. J'espère et prie toujours pour des changements positifs. Notre jeune génération est instruite et nous ne pouvons pas baisser les bras.
Réunir un groupe de personnes partageant les mêmes objectifs dans une même pièce peut créer des opportunités. Comme le dit le dicton, « le monde est petit » et nous y vivons tous.
***
Deux événements très intéressants se sont produits pendant l'Elsi-Con 2025. Tout d'abord, il a été décidé que nous organiserions le 2e Elsi-Con le 9 août 2026. À l'origine, il était prévu pour le 15 août, mais le 15 août est le jour pour célébrer le fait d'être Acadien, un jour très spécial pour ma famille et mes amis. Nous avons donc avancé la date et nous avons un an pour planifier l’événement.
La deuxième chose qui s’est produite est que notre écrivain local, nos acteurs autochtones et non autochtones qui étaient nos invités à Elsi-Con ont décidé de faire un film basé sur le livre écrit par notre bon ami, Jason Lawson.
Je me souviens de notre première rencontre avec Jason. Si vous avez déjà croisé Jason, vous savez qu'il n'a pas l'air d'un écrivain, c'est un vrai «red neck», un géant sympathique.
Après avoir lu un de ses livres, j'ai été conquise. Jason écrit des fictions inspirées de faits réels; il parle de traditions ancestrales. En tant que Migmag vivant de l'autre côté de la rivière, je me reconnais dans nombre de ses histoires. Jason a toujours été notre voisin.
Des 13 romans que Jason a écrits, certains sont basés sur les peuples des Premières Nations. Je dois dire que Jason a toujours le mot juste. Je me souviens m’être demandé, après avoir lu quelque chose lié aux peuples des Premières Nations, «comment le sait-il?»
Quand Jason a écrit Jim Charles Gold, il m’a donné sa transcription. Fabien et moi étions alors au marché des fermiers de Bouctouche, nous y avions une table pour promouvoir notre histoire tout en vendant des objets d’art et d’artisanat. C’était l’un de nos meilleurs moments, nous avons rencontré tellement de gens et appris tellement de choses.
Même pendant certaines épreuves, nos samedis matin au marché fermier de Bouctouche étaient les meilleurs, nous avons rencontré beaucoup de gens merveilleux, je me sentais proche de ma mère et de ma grand-mère, toutes deux passées dans le monde des esprits.
Jason est venu avec son classeur violet contenant le manuscrit de Jim Charles Gold. J'étais tellement honorée et impatiente de le lire. Tout le chemin du retour, je l'ai tenu dans mes bras comme une petite fille qui tient le livre qu'elle a toujours voulu lire.
Je peux m’identifier à plusieurs parties de l’histoire, par exemple lorsque Jim Charles ramène de son voyage à Halifax des biens dans sa communauté. Cela me rappelle mon grand-oncle qui allait avec son père à Moncton pour chercher des rations de nourriture – farine, sucre, saindoux –, pour les membres de notre communauté auprès des agents des Affaires indiennes.
Je savais que c'était basé sur des faits réels et sur de l'or trouvé dans le Migmagig durant les années 1800. Après avoir lu le texte, je savais qu'il fallait le partager. Cela faisait partie de notre histoire dans une histoire de fiction, j'espérais que le livre serait adapté au cinéma.
Adam Beach, Glen Gould et Jon Ambrose ont accepté de faire partie du film. Nous espérons qu'il sera tourné au Nouveau-Brunswick, dans le comté de Kent.
Notre objectif est de trouver le financement nécessaire au tournage du film Jim Charles Gold. Imaginez tous les bénéfices que cela apporterait: l'économie, et surtout l'expérience et les connaissances que cela apporterait, tout en partageant une partie de notre histoire à travers des faits réels et des fictions. Ce serait un honneur.
Donc, si quelqu'un est intéressé à aider, veuillez nous contacter, nous apprécions grandement tout soutien que nous pouvons obtenir pour faire du film une réalité. Le voyage vers la vérité et la réconciliation doit continuer.
(Traduit de l’anglais par Damien Dauphin)
En 2007, lorsque l'accord de vérité et de réconciliation a été conclu, j'étais chef de ma communauté. C'était après la révélation de l'époque des pensionnats autochtones, l'histoire horrible d'un lent génocide…
La «vérité et réconciliatio » devrait être au sens où on l'appelle, «vérité et réconciliation». Les abus subis par notre peuple dans les pensionnats ont été révélés, et leur histoire devait être partagée. Le rapport final a été publié en 2015, et la mise en œuvre de la recommandation était/est en cours.
Je n'ai pas fréquenté de pensionnat autochtone. Des enfants d'Elsipogtog ont fréquenté le pensionnat de Shubenacadie, en Nouvelle-Écosse. Ce pensionnat a fermé ses portes en 1967, il y a moins de 60 ans.
De nombreux témoignages ont été partagés sur les violences physiques, sexuelles, psychologiques, émotionnelles et spirituelles subies par les élèves. Les enfants ont été contraints d'y assister, arrachés à leur famille et à leur communauté.
Après la «Vérité et Réconciliation», un changement important est que tous les pensionnats sont désormais fermés.
Malheureusement, très peu de choses positives se sont produites ces dix dernières années. La situation est allée de mal en pis, la plaie est ouverte et semble incurable.
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L'été dernier, j'ai participé à l'organisation du tout premier congrès de BD dans une Première Nation du Canada atlantique. Nous voulions promouvoir l'idée qu'il est acceptable de faire de l'art et de l'artisanat, et qu'être geek, c'est acceptable.
En tant que membres des Premières Nations, en tant qu’artistes, la vie néglige parfois nos talents, ils ne sont pas bien acceptés, surtout dans le système scolaire.
L’art, la musique, le théâtre et les autres formes d’art sont un don du Créateur, ils doivent être partagés pour être inspirés.
Récemment, une autre vérité a été révélée : il s'agit des externats indiens (Indian Day Schools). Ces écoles se trouvaient dans les réserves et la plupart, sinon la totalité, des enfants vivant dans les réserves y étaient scolarisés.
Dans ma communauté, l’externat indien a ouvert ses portes en 1897 jusqu'en 1985. L’absence d’un enfant pouvait entraîner pour les parents la menace d’un retrait de sa garde. Ces enfants étaient victimes de maltraitance, eux aussi victimes de violences physiques, sexuelles, mentales, émotionnelles et spirituelles. Ils étaient sans voix.
En tant que survivante d'un externat indien, j'ai été déçue d'apprendre que les gouvernements fédéral et provincial ne pouvaient pas financer le tout premier congrès de BD de notre communauté. Cela m'a fait réaliser que rien n'avait changé. J'espère et prie toujours pour des changements positifs. Notre jeune génération est instruite et nous ne pouvons pas baisser les bras.
Réunir un groupe de personnes partageant les mêmes objectifs dans une même pièce peut créer des opportunités. Comme le dit le dicton, « le monde est petit » et nous y vivons tous.
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Deux événements très intéressants se sont produits pendant l'Elsi-Con 2025. Tout d'abord, il a été décidé que nous organiserions le 2e Elsi-Con le 9 août 2026. À l'origine, il était prévu pour le 15 août, mais le 15 août est le jour pour célébrer le fait d'être Acadien, un jour très spécial pour ma famille et mes amis. Nous avons donc avancé la date et nous avons un an pour planifier l’événement.
La deuxième chose qui s’est produite est que notre écrivain local, nos acteurs autochtones et non autochtones qui étaient nos invités à Elsi-Con ont décidé de faire un film basé sur le livre écrit par notre bon ami, Jason Lawson.
Je me souviens de notre première rencontre avec Jason. Si vous avez déjà croisé Jason, vous savez qu'il n'a pas l'air d'un écrivain, c'est un vrai «red neck», un géant sympathique.
Après avoir lu un de ses livres, j'ai été conquise. Jason écrit des fictions inspirées de faits réels; il parle de traditions ancestrales. En tant que Migmag vivant de l'autre côté de la rivière, je me reconnais dans nombre de ses histoires. Jason a toujours été notre voisin.
Des 13 romans que Jason a écrits, certains sont basés sur les peuples des Premières Nations. Je dois dire que Jason a toujours le mot juste. Je me souviens m’être demandé, après avoir lu quelque chose lié aux peuples des Premières Nations, «comment le sait-il?»
Quand Jason a écrit Jim Charles Gold, il m’a donné sa transcription. Fabien et moi étions alors au marché des fermiers de Bouctouche, nous y avions une table pour promouvoir notre histoire tout en vendant des objets d’art et d’artisanat. C’était l’un de nos meilleurs moments, nous avons rencontré tellement de gens et appris tellement de choses.
Même pendant certaines épreuves, nos samedis matin au marché fermier de Bouctouche étaient les meilleurs, nous avons rencontré beaucoup de gens merveilleux, je me sentais proche de ma mère et de ma grand-mère, toutes deux passées dans le monde des esprits.
Jason est venu avec son classeur violet contenant le manuscrit de Jim Charles Gold. J'étais tellement honorée et impatiente de le lire. Tout le chemin du retour, je l'ai tenu dans mes bras comme une petite fille qui tient le livre qu'elle a toujours voulu lire.
Je peux m’identifier à plusieurs parties de l’histoire, par exemple lorsque Jim Charles ramène de son voyage à Halifax des biens dans sa communauté. Cela me rappelle mon grand-oncle qui allait avec son père à Moncton pour chercher des rations de nourriture – farine, sucre, saindoux –, pour les membres de notre communauté auprès des agents des Affaires indiennes.
Je savais que c'était basé sur des faits réels et sur de l'or trouvé dans le Migmagig durant les années 1800. Après avoir lu le texte, je savais qu'il fallait le partager. Cela faisait partie de notre histoire dans une histoire de fiction, j'espérais que le livre serait adapté au cinéma.
Adam Beach, Glen Gould et Jon Ambrose ont accepté de faire partie du film. Nous espérons qu'il sera tourné au Nouveau-Brunswick, dans le comté de Kent.
Notre objectif est de trouver le financement nécessaire au tournage du film Jim Charles Gold. Imaginez tous les bénéfices que cela apporterait: l'économie, et surtout l'expérience et les connaissances que cela apporterait, tout en partageant une partie de notre histoire à travers des faits réels et des fictions. Ce serait un honneur.
Donc, si quelqu'un est intéressé à aider, veuillez nous contacter, nous apprécions grandement tout soutien que nous pouvons obtenir pour faire du film une réalité. Le voyage vers la vérité et la réconciliation doit continuer.
(Traduit de l’anglais par Damien Dauphin)
