Le premier gala Éclat de fierté : une soirée haute en couleurs, et en conscience
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Le premier gala Éclat de fierté s’est déroulé samedi soir au restaurant-théâtre Viola-Léger, au Pays de la Sagouine à Bouctouche. La soirée a couronné les artistes, alliés et champions de la communauté queer acadienne. En dehors des remises de prix, cette célébration fut l’occasion de lancer un vibrant appel au respect des différences et des droits de la personne.
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien
Présenté en partenariat avec Alter Acadie, Acadie Love, Fierté Dieppe et le Pays de la Sagouine, l’événement a pour but de reconnaître les réalisations d’individus, d’artistes et d’organismes locaux dans le cadre d’une soirée organisée par et pour la communauté queer acadienne.

Monique Poirier a chaleureusement félicité Tommy Des Rosiers pour son travail. C’est lui qui est à l’origine du gala. Tous deux espèrent qu’il va s’inscrire dans la durée et devenir une référence au Canada atlantique. Photo : Damien Dauphin)
Animée par l’humoriste et auteure Anabelle Hébert, la soirée a été entrecoupée des performances artistiques de Sami Landri (drag), de Lilianne Cormier (poésie), de Sylvie Boulianne et Maggie Savoie (musique) et de Darling Delight (danse et drag).
Directrice générale et artistique du Pays de la Sagouine, Monique Poirier était heureuse de voir le théâtre Viola-Léger rempli d’amour et de respect. «C’est pour ça que ce lieu existe. La mission du Pays de la Sagouine est de faire rayonner la culture acadienne, et c’est ce qui se passe ce soir.»
Mme Poirier a reconnu et souligné le travail accompli par son collègue Tommy Des Rosiers, gestionnaire du volet jeunesse et inclusion. Le jeune homme est à l’origine de la certification arc-en-ciel obtenue par le Pays en 2023. Accordée pour trois ans, elle devra faire l’objet d’une demande de renouvellement.
«On voulait passer à l’action pour ne pas la perdre», a indiqué la directrice en mentionnant que c’est Tommy qui a avancé l’idée d’un gala.
Connu sur la scène drag sous l’identité de Rose Beef, Tommy Des Rosiers voulait créer un événement rassembleur qui allait permettre aux médias de parler de quelque chose de positif.
«J’ai l’impression que depuis la pandémie, chaque fois qu’on entend parler de la communauté queer, dans les médias sociaux comme dans les médias traditionnels, c’est toujours de façon négative», avait-il exprimé à nos confrères de l’Acadie Nouvelle au début de la semaine passée.
Il a invité le public à savourer la soirée en laissant toute la négativité qui assombrit le monde à l’extérieur de l’établissement.
Des motifs d’inquiétude
Toutefois, il était difficile de ne pas faire l’impasse sur les soubresauts socio-politiques qui font les manchettes de l’actualité. Prenant la parole à titre liminaire pour rendre hommage à l’héritage d’Antonine Maillet, le sénateur René Cormier a fait part de ses inquiétudes quant à l’état du monde géopolitique. Le parlementaire et législateur sur la scène fédérale a constaté que la société n’était pas à l’abri d’un recul.
«Il n’y a pas de place au pays, dans nos provinces, dans nos territoires et dans nos municipalités, pour la violence et la haine. Il n’y a pas de place dans nos écoles pour la discrimination et le harcèlement», a-t-il martelé avec une douceur mêlée de fermeté. «La situation actuelle n’est pas simple. Nous sommes à la croisée des chemins. Plus que jamais, il faut être ensemble, il faut parler, il faut agir, et il faut célébrer, c’est ce que nous faisons ce soir.»
Le sénateur Cormier a insisté sur le fait que la soirée était plus qu’un gala de reconnaissance, et qu’il s’agissait d’un signal fort et clair envoyé à toutes les personnes qui voudraient brimer les droits de la communauté LGBTQ+. Il a lancé un vibrant appel aux alliés de la communauté queer.
«Le respect des droits de la personne n’est pas négociable. C’est le droit de toutes les personnes, qu’elles soient queer ou non, de vivre comme elles l’entendent et d’aimer qui elles veulent. Une perte de droits pour la communauté LGBT serait une perte de droits pour l’humanité», a manifesté le sénateur indépendant.
Reconnaissance des politiques inclusives du CCNB
Le bal des récompenses a été ouvert par Darling Delight, couronnée personnalité drag de l’année. Elle devient également la première femme trans à recevoir ce prix. Elle a souligné le soutien sans faille que ses parents, présents dans la salle, lui ont apporté durant son parcours. «Ils m’ont supportée financièrement et émotionnellement, je ne pourrais pas demander pour de meilleurs parents.»

Darling Delight a remercié ses parents pour leur soutien indéfectible. (Photo : Damien Dauphin)
«Je vous souhaite à tous, comme c’était le cas pour Léopold (Foulem), d’être entouré d’une famille aimante à l’intérieur de laquelle nous pouvons être nous-mêmes. Et si notre famille biologique n’est pas la bonne, il est toujours possible d’en choisir une autre», a fait écho la cinéaste Renée Blanchar dans son hommage au céramiste Léopold Foulem (lire l’encadré ci-après).
Le comité Fierté CCNB s’est vu décerner le prix de l’organisme de l’année. Ses membres ont participé à l’élaboration de questions démographiques dans le sondage de l’ÉDI (équité, diversité, inclusion) du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick afin d’assurer une représentation complète de la communauté, incluant l’identité de genre, l’expression de genre et les transidentités. Les membres du comité ont contribué à la création d’un des modules du secteur ÉDI intitulé «La diversité liée à l’identité de genre, l’expression de genre et la diversité sexuelle.»
«C’est un prix qui dit que notre voix compte, que nos luttes comptent, et franchement ça fait du bien de l’entendre. Surtout dans un monde qui parfois a besoin d’un petit rappel», a déclaré Serge Pierre Cormier, président du comité.
Symbolisme de la couleur rose
La Queer Bringue a reçu le prix du projet/initiative de l’année. Personnalité que l’on peut retrouver sur l’Île-aux-Puces pendant la saison estivale, Joe Nadeau est la découverte artistique acadienne queer de l’année, toutes disciplines confondues. L’artiste qui s’est illustrée le plus à l’extérieur de l’Acadie est Xénia Gould, qui a livré un message vidéo de remerciements.
Élève de l’école Clément-Cormier à Bouctouche, Dan Sirois Wallace est la championne jeunesse acadienne de la fierté. Dès la 7e année, elle a joué un rôle dans l’implantation d’une salle de bain neutre en matière de genre, offrant ainsi un espace sécuritaire et inclusif pour tous les élèves. En collaboration avec d’autres étudiants, elle a cofondé une friperie scolaire dont l’un des objectifs est de fournir des vêtements adaptés aux personnes trans et non binaires qui n’auraient peut-être pas les moyens de s’offrir des habits correspondant à leur identité de genre.

Championne de la fierté, Natasha Haché a expliqué le symbolisme multiple de la couleur rose. (Photo : Damien Dauphin)
La première championne de la fierté est Natasha Haché, une personne non binaire. En parlant de ses cheveux roses, Natasha a expliqué une symbolique à multiples facettes. Il s’agissait d’abord d’un symbole de deuil, celui du triangle rose imposé aux personnes homosexuelles par le Troisième Reich pendant la Deuxième Guerre mondiale, à l’instar de l’étoile jaune pour la communauté juive. Ce symbole a toutefois évolué avec le temps.
«Le rose, c’est aussi l’amour d’une communauté qui partage, qui réconforte et qui protège. C’est aussi l’amour interne: s’accepter comme on est, le désir de vivre et de grandir à notre façon, à notre propre rythme. Le rose, c’est refuser de se conformer à la société de nos oppresseurs. Le rose, c’est révolutionnaire, c’est fort et puissant, mais doux et chaleureux. C’est plus que femme et homme, c’est complexe et fluide. Le rose c’est nous. On est ici, on a toujours été ici, et on continue d’être ici», a affirmé Natasha Haché.
Le rêve de René Cormier
Scintillante comme une boule disco, la députée de Champdoré-Irishtown, Lyne Chantal Boudreau, représentait le gouvernement provincial à la soirée en sa qualité de ministre responsable de l’Égalité des femmes. Elle a salué dans les personnes bispirituelles, queer et trans, des créatrices vibrantes, courageuses et essentielles à la culture acadienne, tout en déplorant que leurs récits étaient trop souvent effacés.

René Cormier a lancé un appel à la vigilance et a mis en garde contre le risque d’un recul des droits de la personne. (Photo : Damien Dauphin)
«Malgré les avancées, trop de personnes vivent encore aujourd’hui l’exclusion, la discrimination, voire la violence, tout simplement pour être elles-mêmes», a exprimé l’élue provinciale qui a lancé en février dernier une initiative intersectionnelle et intergénérationnelle: le cercle consultatif de la ministre pour les femmes et l’égalité des genres. «Soyons juste des êtres humains qui ont besoin d’être aimés.»
Une parole qui a résonné comme un rappel du vœu exprimé par René Cormier.
«Je vous dirais que j’ai un rêve», avait confié le sénateur quelques minutes auparavant. «C’est que le fameux acronyme de LGBTQIA+ soit un jour remplacé simplement par cinq lettres : A-M-O-U-R, et que tout le monde soit inclus dans cet acronyme pour que l’amour sorte victorieux de la haine et que l’amour gagne sur tout.»
Tant il est vrai qu’avec l'amour, chacun dispose d'une réserve inépuisable. Quelle que soit la quantité que l’on donne, elle ne diminue jamais.
Hommage à Léopold L. Foulem (1945-2023)
Un prix hommage a été décerné à titre posthume à l’artiste Léopold Foulem, de Caraquet. Vêtue de l’une des tuniques flamboyantes qu’il affectionnait, la cinéaste Renée Blanchar, qui lui a consacré un documentaire, a évoqué ses souvenirs de celui qu’elle a qualifié de personnalité raffinée et kitsch.

Renée Blanchar avait revêtu une tunique flamboyante qui appartenait à la garde-robe de Léopold Foulem. (Photo : Damien Dauphin)
«Il a bousculé une certaine idée de la normalité en Acadie. Son art est à la fois accessible et hautement conceptuel. Léopold, lui, n’aimait pas les étiquettes. Il préférait rester en marge, demeurer inclassable.»
À l’image de Darling Delight aujourd’hui, Léopold Foulem a pu compter sur le soutien de sa famille dans l’expression de son unicité. Sa sœur Marie-Paule est montée sur scène pour accepter le prix qui honore sa mémoire.
«Chez nous, on n’a jamais entendu nos parents lui dire : Léopold, habille-toi autrement, t’es pas à Montréal. Ils ont respecté son style. Je n’en avais pas honte, mais j’étais un peu gênée par ce phénomène», a confié Marie-Paule Foulem au public.
Léopold Foulem s’est éteint à Montréal le 18 février 2023. Il repose à Caraquet, sa ville natale, qu’il s’était fait tatouer sur le cœur.
«À l’image de Léopold, je nous souhaite également d’assumer et de vivre nos différences et surtout, surtout, d’aller au bout de nos passions et de nos rêves», a conclu Renée Blanchar.
Les organismes partenaires de l’événement étaient Fierté Dieppe, Alter Acadie, Le Pays de la Sagouine et Acadie Love. (Photo : Damien Dauphin)

D’origine québécoise, Tommy Des Rosiers est un personnage incontournable de la scène queer acadienne, et le cœur et l’âme de cette soirée festive. (Photo : Damien Dauphin)

L’émotion de Joe Nadeau, découverte artistique de l’année, dans l’enceinte du Pays de la Sagouine où sa carrière a pris son envol. (Photo : Damien Dauphin)

Les organisateurs avaient invité les participants à s’habiller « chic et queer ». La députée Lyne Chantal Boudreau, ministre des Aînés et de l’Égalité des femmes, a suivi les instructions à la lettre en revêtant une tenue chatoyante et glamour. (Photo : Damien Dauphin)
