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14 Avril 2025
ANTONINE MAILLET A REÇU LES HONNEURS DE QUASI-FUNÉRAILLES D’ÉTAT
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L’Acadie a offert à sa reine de véritables funérailles nationales. Du gratin politique et culturel aux simples citoyens, la foule était nombreuse samedi matin à la cathédrale Notre-Dame de l’Assomption à Moncton pour la célébration de la vie d’Antonine Maillet. Radio-Canada a retransmis en direct, à travers le pays, cette cérémonie au cours de laquelle le profane s’est harmonieusement mêlé au sacré.
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien
«Rien ne ressemble plus à la mort que la peur qu’on en a, disait Antonine Maillet. Ça ne me fait pas peur. Ça m’intrigue. Avoir peur de mourir, non, ce n’est pas mon genre, parce que je n’ai jamais eu peur de rien quand c’est pour découvrir autre chose. Et je sais que je vais découvrir autre chose», a-t-elle affirmé avec foi à Anne-Marie Parenteau lors de sa dernière entrevue télévisée l’automne dernier.

Dans le sens de l’horloge : Christian Kit Goguen, Nora Hébert, Luc LeBlanc, David Losier, Marc-André Robichaud, Véronique Hébert et Mélanie LeBlanc ont rendu le dernier hommage dans leurs costumes respectifs du Pays de la Sagouine. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Romancière, dramaturge et essayiste, Antonine Maillet a donné naissance à un pays imaginaire qui continue de vivre après son départ et qui a célébré sa longue et fructueuse vie.
Il n’est donc pas étonnant que ses proches aient confié au Pays de la Sagouine et à l’Université de Moncton, son alma mater dont elle fut la chancelière, le soin d’organiser une cérémonie à la fois grandiose et touchante pour honorer sa mémoire. «Une action de grâce à Antonine Maillet», comme l’a illustré Marie-Linda Lord à nos confrères de Radio-Canada Acadie sur le parvis de la cathédrale.
Les portes du « monument de la reconnaissance » devaient ouvrir au public à 10h40, mais les premiers arrivés ont été accueillis dès 9h en cette veille du Dimanche des Rameaux qui commémore la joyeuse entrée de Jésus-Christ à Jérusalem avant que les ténèbres ne fondent sur Lui. Les symboles ne manquaient pas dans l’édifice nimbé de lumière.

La famille d’Antonine Maillet occupait le premier rang dans la latérale droite de la nef. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Les neveux et nièces de la défunte, Jacques Michaud, Gabrielle Maillet, Charlotte Michaud et Charles Maillet étaient les porteurs au nom de la famille. Pour l’occasion, il y avait quatre porteurs honoraires, et non des moindres. M. Bertrand Cahuet, consul général de France dans les Provinces atlantiques; l’honorable Robert Gauvin, ministre de la Sécurité publique et ministre responsable de la Francophonie; le Dr. Denis Prud’homme, recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, et M. Martin Théberge, président de la Société nationale de l’Acadie.
Dans le jubé, le Chœur Louisbourg dirigé par Mme Monique Richard a interprété des airs sacrés. La propre fille de Mme Richard, la soprano Marie-Pier Arseneau, a chanté Eu misericordia, lors de la procession d’entrée.
Comme c’était déjà le cas il y a deux ans pour les funérailles de Viola Léger, l’honorable René Cormier, sénateur acadien indépendant du Canada, a officié à titre de maître des cérémonies qui ont débuté par une série d’hommages.
Plusieurs vies en une
Venant lui-même du milieu artistique, le sénateur Cormier a donné lecture d’une lettre qu’Antonine Maillet avait écrite en 2009 à un artiste anonyme. Puis Son Honneur l’honorable Louise Imbeault, lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, s’est avancée pour faire part d’un profond sentiment de gratitude. Au souvenir de la défunte, elle a associé trois autres bâtisseurs récemment disparus après elle : Fernand Arsenault, Marguerite Maillet et Huberte Gautreau.

Le juge Joseph Michaud, neveu d’Antonine Maillet, a fait les lectures. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
La représentante de la Couronne dans la province fut elle-même l’élève d’Antonine Maillet à l’Université de Moncton. «Comment ne pas aimer la littérature française quand elle nous l’enseignait et que nous apprenions par elle que nous en étions les héritiers légitimes? Au nom des étudiants contestataires que nous étions alors: merci, Sœur Marie-Grégoire! (nom d’Antonine Maillet quand elle était religieuse)»
Outre la professeure de littérature française, Mme Imbeault a également salué celle qui, cumulant plusieurs vies en une, fut un vecteur de savoir et de sapience, la chancelière qui a ouvert des portes avec panache et conviction, et l’ambassadrice qui a sauvé le consulat français en Acadie en plaidant sa cause au palais de l’Élysée.
Valeur de la tradition orale
L’auteure primée et populaire ne fut point oubliée. Mme Imbeault s’est souvenue que, lorsque des débuts de La Sagouine sur les planches, quelques dents avaient grincé.
«Certains ont contesté la valeur d’une écriture fortement ancrée dans la tradition orale. Antonine a persisté et signé Pélagie-la-Charrette. Cette consécration (le Prix Goncourt) donnera ses lettres de noblesse à la tradition orale transcrite par l’auteure à partir de son imaginaire foisonnant.»

Au premier rang dans la latérale gauche de la nef, les personnalités publiques : la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, le consul général de France, la première ministre du Nouveau-Brunswick, la mairesse de Moncton et son époux. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Tout était réuni pour qu’un pays imaginaire voit le jour dans la communauté natale de Mme Maillet. Président du conseil d’administration du Pays de la Sagouine, Camille Thériault a qualifié de manne pour Bouctouche ce moteur économique dont le parcours nocturne Akadi Lumina est la plus récente adjonction.
«C’est un pays qui, malgré sa taille minuscule, nous offre ce qu’il y a de plus grand et de plus beau.»

Des extraits d’œuvres d’Antonine Maillet ayant trait à la mort ont été lus par Solange LeBlanc, Gabriel-Vincent Deslauriers et Denise Bouchard. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
«Antonine Maillet nous a menés collectivement de la connaissance à la reconnaissance», a dit Édith Butler dans un message enregistré par vidéo. Ancienne élève de Mme Maillet au Collège Notre-Dame d’Acadie dirigé par les Sœurs du Sacré-Cœur, la chanteuse acadienne s’est souvenue de son enseignante qui faisait cours debout, sans papier ni crayon mais comme une conteuse, avec fougue et une certaine frénésie.
Une voix, une langue, un peuple
«Elle nous a raconté notre histoire comme aucun livre ne l’avait fait avant», a-t-elle confié à l’assistance, précisant que lors de son dernier anniversaire auquel elle a assisté le 10 mai 2024, c’est debout qu’elle avait encore prononcé un discours de 20 minutes avec une pensée claire.

Mgr Guy Desrochers, archevêque de Moncton, encense l’urne funéraire qui contient les cendres d’Antonine Maillet. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Au cours de la portion religieuse proprement dite, c’est l’archevêque émérite de Moncton, Mgr Valéry Vienneau, qui a prononcé l’homélie. Comme Louise Imbeault et Edith Butler, il fut lui aussi un élève d’Antonine Maillet au cours de littérature française. Le prélat a partagé quelques souvenirs avec le public présent.
Après les prières universelles lues par l’honorable juge (en retraite) Joseph C. Michaud, neveu de Mme Maillet, trois extraits de ses œuvres ont été lus par des artistes du Pays de la Sagouine. Gabriel-Vincent Deslauriers a lu un passage de La Sagouine, Solange LeBlanc un extrait des Lettres de mon phare, et Denise Bouchard un fragment de Pélagie-la-Charrette. Trois générations différentes pour trois extraits, tous traversés par l’ombre de la mort.
«J’ai trouvé ça difficile et émouvant, a témoigné Denise Bouchard, encore émue, à l’issue de la cérémonie. Pélagie, je l’ai interprétée au Pays lors d’événements. Ça te rentre dedans. Ça m’a fait énormément plaisir que Monique Poirier me demande de lire ce texte car Tonine était extrêmement heureuse de ma performance.»

Zachary Richard, Jean-Marie Nadeau, Carol Doucet et René Légère ont partagé leurs souvenirs à la sortie de la cathédrale. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Venu de Louisiane, Zachary Richard a interprété Aux Natchitoches avant que Donat et Emé Lacroix ne prennent le micro pour chanter Yesouh durant l’absoute, cette prière d’adieu à la défunte.
« La vie est juste en face »
Les cœurs se sont serrés lorsque Monique Poirier, directrice générale et artistique du Pays de la Sagouine, a lu le mot de la fin. À la demande de la famille, elle a partagé les dernières lignes qu’écrivit Antonine Maillet à la fin du mois de janvier alors qu’elle contemplait sa fin prochaine.
«La vie, la vraie, reprend mais ailleurs. Celle qui ouvre de nouvelles portes. Le monde est si vaste et si attirant, et la vraie vie reprend. J’entre dans celle qui mène ailleurs. La vie est juste en face.»
Avant la procession finale sous l’hymne national acadien, la troupe du Pays de la Sagouine a interprété la chanson Pays imaginaire de Calixte Duguay. Vêtus de leurs costumes de scène, Christian Kit Goguen, Nora Hébert, Véronique Hébert, Mélanie LeBlanc, Luc LeBlanc, David Losier et Marc-André Robichaud ont fait verser des larmes.
Suzanne Tarte-Poussard a souligné l’excellence d’une cérémonie « extraordinaire et conviviale ». «Il fallait se souvenir de ce qu’Antonine a laissé et les témoignages ont donné un aperçu de ce qu’elle a offert à l’Acadie», a-t-elle déclaré au sortir de la cathédrale.
Des échos de reconnaissance profonde
Présidente de l’association des Maillet d’Acadie, Rachel Maillet a rendu hommage à la matriarche d’une grande famille à qui elle parlait de ses ancêtres lors de chaque rencontre lors des Congrès mondiaux acadiens.
Denise Bouchard a encore précisé que celle qui fut son mentor lui a enseigné une méthode de travail. «Elle m’a donné l’amour des vieux mots et m’a inspirée en tant que réalisatrice, car elle m’a encadrée même si elle n’était pas présente.»
Enfin, Anthony Azard a salué celle qui était une flamme, une force, une mémoire vivante qui, à travers ses mots, a rendu l’Acadie immortelle en lui redonnant sa langue, sa dignité et un avenir.
«Merci pour avoir osé prendre la parole quand nos mots avaient encore le goût du silence. Merci pour avoir gravé notre histoire dans la littérature universelle. Merci pour avoir redonné sa fierté à un peuple que d’aucuns voulaient effacer.»
Merci, Madame Maillet!
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien
«Rien ne ressemble plus à la mort que la peur qu’on en a, disait Antonine Maillet. Ça ne me fait pas peur. Ça m’intrigue. Avoir peur de mourir, non, ce n’est pas mon genre, parce que je n’ai jamais eu peur de rien quand c’est pour découvrir autre chose. Et je sais que je vais découvrir autre chose», a-t-elle affirmé avec foi à Anne-Marie Parenteau lors de sa dernière entrevue télévisée l’automne dernier.

Dans le sens de l’horloge : Christian Kit Goguen, Nora Hébert, Luc LeBlanc, David Losier, Marc-André Robichaud, Véronique Hébert et Mélanie LeBlanc ont rendu le dernier hommage dans leurs costumes respectifs du Pays de la Sagouine. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Romancière, dramaturge et essayiste, Antonine Maillet a donné naissance à un pays imaginaire qui continue de vivre après son départ et qui a célébré sa longue et fructueuse vie.
Il n’est donc pas étonnant que ses proches aient confié au Pays de la Sagouine et à l’Université de Moncton, son alma mater dont elle fut la chancelière, le soin d’organiser une cérémonie à la fois grandiose et touchante pour honorer sa mémoire. «Une action de grâce à Antonine Maillet», comme l’a illustré Marie-Linda Lord à nos confrères de Radio-Canada Acadie sur le parvis de la cathédrale.
Les portes du « monument de la reconnaissance » devaient ouvrir au public à 10h40, mais les premiers arrivés ont été accueillis dès 9h en cette veille du Dimanche des Rameaux qui commémore la joyeuse entrée de Jésus-Christ à Jérusalem avant que les ténèbres ne fondent sur Lui. Les symboles ne manquaient pas dans l’édifice nimbé de lumière.

La famille d’Antonine Maillet occupait le premier rang dans la latérale droite de la nef. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Les neveux et nièces de la défunte, Jacques Michaud, Gabrielle Maillet, Charlotte Michaud et Charles Maillet étaient les porteurs au nom de la famille. Pour l’occasion, il y avait quatre porteurs honoraires, et non des moindres. M. Bertrand Cahuet, consul général de France dans les Provinces atlantiques; l’honorable Robert Gauvin, ministre de la Sécurité publique et ministre responsable de la Francophonie; le Dr. Denis Prud’homme, recteur et vice-chancelier de l’Université de Moncton, et M. Martin Théberge, président de la Société nationale de l’Acadie.
Dans le jubé, le Chœur Louisbourg dirigé par Mme Monique Richard a interprété des airs sacrés. La propre fille de Mme Richard, la soprano Marie-Pier Arseneau, a chanté Eu misericordia, lors de la procession d’entrée.
Comme c’était déjà le cas il y a deux ans pour les funérailles de Viola Léger, l’honorable René Cormier, sénateur acadien indépendant du Canada, a officié à titre de maître des cérémonies qui ont débuté par une série d’hommages.
Plusieurs vies en une
Venant lui-même du milieu artistique, le sénateur Cormier a donné lecture d’une lettre qu’Antonine Maillet avait écrite en 2009 à un artiste anonyme. Puis Son Honneur l’honorable Louise Imbeault, lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, s’est avancée pour faire part d’un profond sentiment de gratitude. Au souvenir de la défunte, elle a associé trois autres bâtisseurs récemment disparus après elle : Fernand Arsenault, Marguerite Maillet et Huberte Gautreau.

Le juge Joseph Michaud, neveu d’Antonine Maillet, a fait les lectures. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
La représentante de la Couronne dans la province fut elle-même l’élève d’Antonine Maillet à l’Université de Moncton. «Comment ne pas aimer la littérature française quand elle nous l’enseignait et que nous apprenions par elle que nous en étions les héritiers légitimes? Au nom des étudiants contestataires que nous étions alors: merci, Sœur Marie-Grégoire! (nom d’Antonine Maillet quand elle était religieuse)»
Outre la professeure de littérature française, Mme Imbeault a également salué celle qui, cumulant plusieurs vies en une, fut un vecteur de savoir et de sapience, la chancelière qui a ouvert des portes avec panache et conviction, et l’ambassadrice qui a sauvé le consulat français en Acadie en plaidant sa cause au palais de l’Élysée.
Valeur de la tradition orale
L’auteure primée et populaire ne fut point oubliée. Mme Imbeault s’est souvenue que, lorsque des débuts de La Sagouine sur les planches, quelques dents avaient grincé.
«Certains ont contesté la valeur d’une écriture fortement ancrée dans la tradition orale. Antonine a persisté et signé Pélagie-la-Charrette. Cette consécration (le Prix Goncourt) donnera ses lettres de noblesse à la tradition orale transcrite par l’auteure à partir de son imaginaire foisonnant.»

Au premier rang dans la latérale gauche de la nef, les personnalités publiques : la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, le consul général de France, la première ministre du Nouveau-Brunswick, la mairesse de Moncton et son époux. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Tout était réuni pour qu’un pays imaginaire voit le jour dans la communauté natale de Mme Maillet. Président du conseil d’administration du Pays de la Sagouine, Camille Thériault a qualifié de manne pour Bouctouche ce moteur économique dont le parcours nocturne Akadi Lumina est la plus récente adjonction.
«C’est un pays qui, malgré sa taille minuscule, nous offre ce qu’il y a de plus grand et de plus beau.»

Des extraits d’œuvres d’Antonine Maillet ayant trait à la mort ont été lus par Solange LeBlanc, Gabriel-Vincent Deslauriers et Denise Bouchard. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
«Antonine Maillet nous a menés collectivement de la connaissance à la reconnaissance», a dit Édith Butler dans un message enregistré par vidéo. Ancienne élève de Mme Maillet au Collège Notre-Dame d’Acadie dirigé par les Sœurs du Sacré-Cœur, la chanteuse acadienne s’est souvenue de son enseignante qui faisait cours debout, sans papier ni crayon mais comme une conteuse, avec fougue et une certaine frénésie.
Une voix, une langue, un peuple
«Elle nous a raconté notre histoire comme aucun livre ne l’avait fait avant», a-t-elle confié à l’assistance, précisant que lors de son dernier anniversaire auquel elle a assisté le 10 mai 2024, c’est debout qu’elle avait encore prononcé un discours de 20 minutes avec une pensée claire.

Mgr Guy Desrochers, archevêque de Moncton, encense l’urne funéraire qui contient les cendres d’Antonine Maillet. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Au cours de la portion religieuse proprement dite, c’est l’archevêque émérite de Moncton, Mgr Valéry Vienneau, qui a prononcé l’homélie. Comme Louise Imbeault et Edith Butler, il fut lui aussi un élève d’Antonine Maillet au cours de littérature française. Le prélat a partagé quelques souvenirs avec le public présent.
Après les prières universelles lues par l’honorable juge (en retraite) Joseph C. Michaud, neveu de Mme Maillet, trois extraits de ses œuvres ont été lus par des artistes du Pays de la Sagouine. Gabriel-Vincent Deslauriers a lu un passage de La Sagouine, Solange LeBlanc un extrait des Lettres de mon phare, et Denise Bouchard un fragment de Pélagie-la-Charrette. Trois générations différentes pour trois extraits, tous traversés par l’ombre de la mort.
«J’ai trouvé ça difficile et émouvant, a témoigné Denise Bouchard, encore émue, à l’issue de la cérémonie. Pélagie, je l’ai interprétée au Pays lors d’événements. Ça te rentre dedans. Ça m’a fait énormément plaisir que Monique Poirier me demande de lire ce texte car Tonine était extrêmement heureuse de ma performance.»

Zachary Richard, Jean-Marie Nadeau, Carol Doucet et René Légère ont partagé leurs souvenirs à la sortie de la cathédrale. (Photo : Université de Moncton - Tous droits réservés)
Venu de Louisiane, Zachary Richard a interprété Aux Natchitoches avant que Donat et Emé Lacroix ne prennent le micro pour chanter Yesouh durant l’absoute, cette prière d’adieu à la défunte.
« La vie est juste en face »
Les cœurs se sont serrés lorsque Monique Poirier, directrice générale et artistique du Pays de la Sagouine, a lu le mot de la fin. À la demande de la famille, elle a partagé les dernières lignes qu’écrivit Antonine Maillet à la fin du mois de janvier alors qu’elle contemplait sa fin prochaine.
«La vie, la vraie, reprend mais ailleurs. Celle qui ouvre de nouvelles portes. Le monde est si vaste et si attirant, et la vraie vie reprend. J’entre dans celle qui mène ailleurs. La vie est juste en face.»
Avant la procession finale sous l’hymne national acadien, la troupe du Pays de la Sagouine a interprété la chanson Pays imaginaire de Calixte Duguay. Vêtus de leurs costumes de scène, Christian Kit Goguen, Nora Hébert, Véronique Hébert, Mélanie LeBlanc, Luc LeBlanc, David Losier et Marc-André Robichaud ont fait verser des larmes.
Suzanne Tarte-Poussard a souligné l’excellence d’une cérémonie « extraordinaire et conviviale ». «Il fallait se souvenir de ce qu’Antonine a laissé et les témoignages ont donné un aperçu de ce qu’elle a offert à l’Acadie», a-t-elle déclaré au sortir de la cathédrale.
Des échos de reconnaissance profonde
Présidente de l’association des Maillet d’Acadie, Rachel Maillet a rendu hommage à la matriarche d’une grande famille à qui elle parlait de ses ancêtres lors de chaque rencontre lors des Congrès mondiaux acadiens.
Denise Bouchard a encore précisé que celle qui fut son mentor lui a enseigné une méthode de travail. «Elle m’a donné l’amour des vieux mots et m’a inspirée en tant que réalisatrice, car elle m’a encadrée même si elle n’était pas présente.»
Enfin, Anthony Azard a salué celle qui était une flamme, une force, une mémoire vivante qui, à travers ses mots, a rendu l’Acadie immortelle en lui redonnant sa langue, sa dignité et un avenir.
«Merci pour avoir osé prendre la parole quand nos mots avaient encore le goût du silence. Merci pour avoir gravé notre histoire dans la littérature universelle. Merci pour avoir redonné sa fierté à un peuple que d’aucuns voulaient effacer.»
Merci, Madame Maillet!