
Vie étudiante
30 Avril 2025
Hausse des droits de scolarité : incompréhension et colère chez les étudiants de l’Université de Moncton
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Samedi 11 avril, l’Université de Moncton a adopté son budget pour l’année universitaire 2025-2026. Malgré un surplus de 141 000 $, l’institution a choisi d’augmenter de 3 % les droits de scolarité pour une deuxième année consécutive, au grand dam de la communauté étudiante.
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien
Pour les étudiants canadiens, cette hausse représente une facture supplémentaire d’environ 240,87 $ par année. Du côté des étudiants étrangers, l’addition est encore plus lourde : 441,42 $ de plus.
Le vice-recteur à l’administration et aux ressources humaines, Gabriel Cormier, défend cette décision. Selon lui, la hausse est nécessaire pour compenser l’inflation, la hausse des salaires, les coûts du matériel et des services, et pour assurer un budget équilibré.
«On n’est pas à l’abri de l’augmentation des coûts. Nos salaires augmentent […] Avec les hausses d’Énergie NB, notre facture d’électricité a monté de 325 000 $, à peu près», illustre-t-il.
Plus des trois quarts du budget de l’Université sont consacrés aux salaires, une situation comparable à d’autres institutions du même type, précise M. Cormier. Il souligne également que le budget 2025-2026 prévoit des bonifications pour les étudiants, notamment une enveloppe supplémentaire de 600 000 $ pour les bourses au campus de Moncton, incluant de nouveaux fonds pour les étudiants internationaux.
Malgré ces annonces, les associations étudiantes dénoncent une décision qu’elles jugent injuste et évitable.
La Fédération étudiante du Campus universitaire de Moncton (FÉCUM) estime que l’Université a choisi la solution de facilité en augmentant les droits de scolarité, plutôt que de revoir certaines de ses pratiques internes. Sa présidente, Emma Raphaëlle, pointe du doigt l’usage excessif des crédits de dégrèvement, qui permettent aux enseignants d’être libérés de certaines charges d’enseignement.
«Il y a certains départements où à trois [employés], ils sont rendus à 27 [crédits]. Ça n’a pas de sens», affirme-t-elle, soulignant que cela coûte plus de 5,3 millions de dollars par an à l’établissement. Ce n’est pas bien géré et ce n’est pas conforme à la convention collective qui a été signée.»
De son côté, l’Association des étudiantes et des étudiants internationaux du Campus universitaire de Moncton (AÉÉICUM) déplore que la hausse frappe encore plus durement les étudiants venus de l’étranger.
Sa présidente, Jovial Orlachi Osundu, tire la sonnette d’alarme : «Quand je suis arrivée, une session coûtait 6356,50 $. L’an prochain, ce sera 7355,50 $.» À ce montant, il faut encore ajouter au minimum 483 $ de frais afférents par année.
Mme Osundu rappelle que si 3 % peuvent paraître peu sur le papier, la répétition des hausses année après année devient insoutenable. « Ce 3 % additionnel frappe plus fort les personnes qui paient déjà davantage. Et en parallèle, les coûts de logement, de nourriture et de services continuent d’augmenter. »
Les deux associations s’accordent pour dire que les étudiants, en particulier les étudiants étrangers, ne devraient pas porter seuls le fardeau du sous-financement gouvernemental. «Les personnes étudiantes internationales n’ont pas à payer le prix du sous-financement du gouvernement», martèle Jovial Orlachi Osundu.
Un modèle à repenser ?
Les études supérieures au Canada sont fortement influencées par la culture américaine, où les frais de scolarité élevés sont la norme. Ailleurs dans le monde, notamment dans l’Union européenne ou en Turquie, les études postsecondaires sont gratuites, y compris pour les étudiants étrangers. Dans le pire des cas, elles impliquent seulement de faibles frais administratifs.
Ce modèle pourrait-il être transposé au Canada et soulager les étudiants qui, souvent, contractent des dettes lourdes pour financer leur parcours ?
Face à cette question, Le Moniteur Acadien a sondé son panel de lecteurs. Les avis sont partagés et révèlent la complexité du débat.
Mathieu Gérald Caissie estime que la manière la plus progressiste d'élargir l’accès aux études n’est pas nécessairement la gratuité totale, mais l’octroi ciblé de bourses aux étudiants les plus démunis.
Carla Vautour propose une approche plus nuancée, combinant exonération des frais pour les étudiants à faible revenu, prêts étudiants remboursables selon le revenu, augmentation des subventions, et offre gratuite pour les domaines en forte demande sur le marché du travail.
Luc Doucet suggère de rendre les études supérieures progressivement gratuites. «Afin d’éviter des abus de personnes plus attirées par la vie sociale que par les études, les deux premières années resteraient à la charge des étudiants. Ensuite, les années suivantes jusqu’à la maîtrise seraient gratuites», avance-t-il.
Enfin, Jacques Giguère plaide pour une réforme structurelle ambitieuse. Selon lui, la gratuité est envisageable, à condition d’en financer le coût par des mesures fiscales ciblées. Il propose l’abolition des crédits d’impôt pour frais de scolarité – avec réaffectation directe aux institutions –, la création d’un fonds spécial pour la gratuité scolaire, une loi plus stricte contre l’évasion fiscale, et une taxe supplémentaire de 5 cents sur le litre d’essence et de diesel.
«Si l’Allemagne, la Norvège, la Finlande et l’Argentine peuvent le faire, nous pouvons le faire aussi. C’est toujours une question de choix», conclut-il.
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien
Pour les étudiants canadiens, cette hausse représente une facture supplémentaire d’environ 240,87 $ par année. Du côté des étudiants étrangers, l’addition est encore plus lourde : 441,42 $ de plus.
Le vice-recteur à l’administration et aux ressources humaines, Gabriel Cormier, défend cette décision. Selon lui, la hausse est nécessaire pour compenser l’inflation, la hausse des salaires, les coûts du matériel et des services, et pour assurer un budget équilibré.
«On n’est pas à l’abri de l’augmentation des coûts. Nos salaires augmentent […] Avec les hausses d’Énergie NB, notre facture d’électricité a monté de 325 000 $, à peu près», illustre-t-il.
Plus des trois quarts du budget de l’Université sont consacrés aux salaires, une situation comparable à d’autres institutions du même type, précise M. Cormier. Il souligne également que le budget 2025-2026 prévoit des bonifications pour les étudiants, notamment une enveloppe supplémentaire de 600 000 $ pour les bourses au campus de Moncton, incluant de nouveaux fonds pour les étudiants internationaux.
Malgré ces annonces, les associations étudiantes dénoncent une décision qu’elles jugent injuste et évitable.
La Fédération étudiante du Campus universitaire de Moncton (FÉCUM) estime que l’Université a choisi la solution de facilité en augmentant les droits de scolarité, plutôt que de revoir certaines de ses pratiques internes. Sa présidente, Emma Raphaëlle, pointe du doigt l’usage excessif des crédits de dégrèvement, qui permettent aux enseignants d’être libérés de certaines charges d’enseignement.
«Il y a certains départements où à trois [employés], ils sont rendus à 27 [crédits]. Ça n’a pas de sens», affirme-t-elle, soulignant que cela coûte plus de 5,3 millions de dollars par an à l’établissement. Ce n’est pas bien géré et ce n’est pas conforme à la convention collective qui a été signée.»
De son côté, l’Association des étudiantes et des étudiants internationaux du Campus universitaire de Moncton (AÉÉICUM) déplore que la hausse frappe encore plus durement les étudiants venus de l’étranger.
Sa présidente, Jovial Orlachi Osundu, tire la sonnette d’alarme : «Quand je suis arrivée, une session coûtait 6356,50 $. L’an prochain, ce sera 7355,50 $.» À ce montant, il faut encore ajouter au minimum 483 $ de frais afférents par année.
Mme Osundu rappelle que si 3 % peuvent paraître peu sur le papier, la répétition des hausses année après année devient insoutenable. « Ce 3 % additionnel frappe plus fort les personnes qui paient déjà davantage. Et en parallèle, les coûts de logement, de nourriture et de services continuent d’augmenter. »
Les deux associations s’accordent pour dire que les étudiants, en particulier les étudiants étrangers, ne devraient pas porter seuls le fardeau du sous-financement gouvernemental. «Les personnes étudiantes internationales n’ont pas à payer le prix du sous-financement du gouvernement», martèle Jovial Orlachi Osundu.
Un modèle à repenser ?
Les études supérieures au Canada sont fortement influencées par la culture américaine, où les frais de scolarité élevés sont la norme. Ailleurs dans le monde, notamment dans l’Union européenne ou en Turquie, les études postsecondaires sont gratuites, y compris pour les étudiants étrangers. Dans le pire des cas, elles impliquent seulement de faibles frais administratifs.
Ce modèle pourrait-il être transposé au Canada et soulager les étudiants qui, souvent, contractent des dettes lourdes pour financer leur parcours ?
Face à cette question, Le Moniteur Acadien a sondé son panel de lecteurs. Les avis sont partagés et révèlent la complexité du débat.
Mathieu Gérald Caissie estime que la manière la plus progressiste d'élargir l’accès aux études n’est pas nécessairement la gratuité totale, mais l’octroi ciblé de bourses aux étudiants les plus démunis.
Carla Vautour propose une approche plus nuancée, combinant exonération des frais pour les étudiants à faible revenu, prêts étudiants remboursables selon le revenu, augmentation des subventions, et offre gratuite pour les domaines en forte demande sur le marché du travail.
Luc Doucet suggère de rendre les études supérieures progressivement gratuites. «Afin d’éviter des abus de personnes plus attirées par la vie sociale que par les études, les deux premières années resteraient à la charge des étudiants. Ensuite, les années suivantes jusqu’à la maîtrise seraient gratuites», avance-t-il.
Enfin, Jacques Giguère plaide pour une réforme structurelle ambitieuse. Selon lui, la gratuité est envisageable, à condition d’en financer le coût par des mesures fiscales ciblées. Il propose l’abolition des crédits d’impôt pour frais de scolarité – avec réaffectation directe aux institutions –, la création d’un fonds spécial pour la gratuité scolaire, une loi plus stricte contre l’évasion fiscale, et une taxe supplémentaire de 5 cents sur le litre d’essence et de diesel.
«Si l’Allemagne, la Norvège, la Finlande et l’Argentine peuvent le faire, nous pouvons le faire aussi. C’est toujours une question de choix», conclut-il.