Opinion

Vivre dans un centre de soins spéciaux


On a besoin d'être en contact les uns avec les autres. Nous sommes plus de type fourmis que les tigres qui ont la force de survivre serrés. Pour les gens âgés qui vivent seuls dans leurs chambres, sans liens avec leurs proches, c'est une question de survie. Le contact physique est un besoin fondamental et c'est un non-sens d'en être privé. Un autre besoin qui devient un début de guérison, c'est la possibilité de partager sa blessure, se dire, être écouté et écouter par une personne attentive sans aucun préjugé,

J'ai œuvré une douzaine d'années dans des centres qui se vouent à la guérison. Ce qui m'étonnait, c'était le manque d'écoute du personnel soignant, faute de temps et de formation. J'ai aussi remarqué que le professionnel avait une mauvaise relation avec lui-même, et il en était ainsi avec ceux qu'il soignait. Personne ne peut donner ce qu'il n'a pas.

Dans un centre de santé, soignants comme soignés, nous vivons tous ensemble dans un même cercle vital. Ces quelques constatations, je peux les exprimer après de nombreux partages et d'amitié avec des personnes mal-servies et mal-aimées dans leur être profond. Pour moi, il y a un grand nuage gris pour les personnes qui entrent dans un centre de santé: l'incapacité de choisir. Tout doit leur venir d'en haut : sans autorisation professionnelle, elles ne peuvent se procurer cette crème qui leur faisait du bien. Pourtant, le droit de choisir est un droit inné. Priver le malade de ce droit, c'est le restreindre à vivre à l'intérieur d'une prison, ça le coupe d’autrui et de lui-même.

Pendant la crise de la Covid-19, privés de contacts physiques, incapable de choisir, le prix à payer aura été tous ces nombreux décès dans les CHSLD du Québec et nos centres de santé au N.-B. Comment venir en aide à une personne qui souffre? Je dirais que c'est lui permettre de se dire, de s'ouvrir, de se mettre en marche, de partager sa peine, en l'aidant à prendre sa vie en main. Surtout, choisir d'ancrer sa vie dans ce "maintenant", non plus en longueur d'années, mais en profondeur. Présentement, le climat social n'est pas sain. Nous sommes submergés d'informations haineuses et contradictoires. Il nous faut absolument trouver des trucs pour préserver notre équilibre intérieur.

"Le monde change à chaque fois que l'on partage. Faire que partout soient servis en premier les plus souffrants. Il faut que chacun mette ses dons, ses talents, ses compétences au service de tous et toutes, dans un esprit fraternel". (Abbé Pierre)



Léon Robichaud
Tracadie