Opinion

On enseigne à faire la guerre


On reste stupéfait devant la prolifération alarmante des armes à feu au sein des populations civiles et les tragiques séquelles en constante expansion qui en découlent. Et comment réagir devant l’appel de l’OTAN à l’accroissement substantiel du budget militaire des pays membres et devant la multiplication des guerres fratricides de plus en plus meurtrières?

Nous n’avons pas à chercher bien loin les causes de cet état désolant de notre civilisation. Il s’agit d’un mal social que nous perpétuons plus ou moins inconsciemment par nos mœurs et nos valeurs. Après tant de siècles de conflits armés entre les nations, nous préconisons toujours la domination et la violence pour chercher à imposer la paix. N’est-ce pas un peu comme rejouer en boucle la même séquence d’un film en croyant naïvement que, cette fois, la conclusion pourrait être différente? La conjoncture semble indiquer que la paix est incompatible avec la coexistence humaine.

Toute société est formée d’individus qui ont grandi dans un milieu qui les a marqués. Ils ont appris à l’exemple de leurs parents et de leur entourage dont, pour la plupart, ils ont adopté les valeurs. Certains, par un concours de circonstances, deviendront des leaders de leur communauté ou de leur État qu’ils orienteront selon leur vision du monde et surtout selon leurs ambitions. Ces premiers ministres, ces présidents, ces chefs d’État, ces monarques, ces dictateurs élus ou autoproclamés gouverneront en fonction de la personne qu’ils sont devenus, produit de leur éducation familiale et sociale.

Dans certains pays, une bonne part de leur formation leur est venue d’écoles militaires ou d’institutions extrémistes où, parfois, le fanatisme religieux encourage la discrimination, allant même jusqu’à prêcher l’élimination des « infidèles » au nom de Dieu.

Une autre école de formation d’esprits belliqueux est les jeux vidéo électroniques où domine une violence gratuite effarante entre des figurants humains, où la victoire dépend de l’habileté du joueur à démontrer sa supériorité, sa domination, son intransigeance, son esprit de vengeance, son non-respect des différences, ainsi que la haine et la banalisation du droit à la vie. La prolifération de ces activités spirituelles et mentales riches en émotions, à un âge où l’enfant est aussi vulnérable, où son être absorbe, comme une éponge l’eau, tous les apprentissages qui stimulent des sensations fortes, contribue à développer chez lui la soif de pouvoir tout en lui conférant une fausse image des relations à entretenir entre humains. Elle enseigne que la domination et la violence sont la seule réponse aux conflits.

À cet égard, on ne note malheureusement pas de tendance à l’amélioration au sein de la société. L’Acadie Nouvelle nous en offre un bel exemple, peut-être banal, mais frappant, dans son édition du jeudi 22 août. Ici même, en Acadie, on s’apprête à réaménager un terrain de « paintball » pour les personnes âgées de 12 ans et plus, où les enfants âgés de plus de 4 ans pourront s’adonner au jeu de « gellyball », une version allégée du « paintball ». Rappelons que le but du jeu est d’éliminer les membres de l’équipe adverse en les atteignant d’une balle de peinture projetée au moyen d’un fusil.

Ce n’est qu’un jeu, me direz-vous. C’est par le jeu que l’enfant apprend le mieux. On lui enseigne ainsi à faire la guerre.



Cyrille Sippley
Saint-Louis-de-Kent