Monsieur le Premier ministre Higgs,
En tant que professionnels de la santé travaillant au Nouveau-Brunswick, nous pensons qu’il est de notre devoir de porter à votre attention les dernières preuves médicales concernant les effets connus sur la santé de la fracturation hydraulique (fracturation) pour le gaz de schiste. Il s’agit d’une réponse à vos récents commentaires publics exprimant le désir de poursuivre la production de gaz de schiste dans la province.
L’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME) est un organisme à but non lucratif dirigé par des médecins qui s’efforcent d’assurer la santé humaine en protégeant la planète. Depuis sa fondation en 1993, le travail de l’ACME a permis d’obtenir d’importantes victoires politiques en collaboration avec de nombreux partenaires des mouvements environnementaux et de la santé.
Ici au Nouveau-Brunswick, nous avons suivi la discussion et le débat entourant la fracturation depuis plus d’une décennie. De plus, nous avons suivi de près les études médicales et scientifiques sur la fracturation hydraulique (souvent appelés puits de gaz non conventionnels) qui ont été produites pendant cette période. En mars 2019, des membres de notre organisation vous ont écrit au sujet des preuves de plus en plus nombreuses d’effets négatifs directs et indirects sur la santé humaine associés à cette industrie. À la lumière de ces preuves, nous avons demandé à votre gouvernement de maintenir le moratoire sur les activités de fracturation hydraulique instauré en 2015.
Notre avertissement ne devrait pas être une surprise. En 2012, dans un rapport exhaustif, la médecin hygiéniste en chef du Nouveau-Brunswick, la Dre Eilish Cleary, a fait part au gouvernement provincial de ses préoccupations en matière de santé publique concernant la fracturation hydraulique et en 2015-2016, la Commission sur la fracturation hydraulique du Nouveau-Brunswick, qui a duré un an, a recueilli des témoignages et des preuves sur les menaces posées par l’industrie, y compris pour la santé humaine.
Au cours des dernières années, il y a eu une croissance considérable de la recherche et des études axées sur les effets sur la santé associés à la fracturation hydraulique du gaz de schiste. Une liste d’études clés récentes et leurs résultats suit cette lettre. Les études indiquent une forte corrélation entre la fracturation (ou l’exploitation pétrolière et gazière non conventionnelle) et les résultats indésirables énumérés ci-bas pour la santé des personnes vivant dans les communautés voisines ou travaillant dans l’industrie :
- Fausses couches spontanées et naissances prématurées, retards de croissance intra-utérins, bébés nés avec des malformations cardiaques congénitales, des anomalies du tube neural, des anomalies des membres et un spina-bifida ;
- Risque de mortalité global plus élevé et impact négatif sur l’espérance de vie ;
- Incidences plus élevées de cancer, de maladies cardiaques et respiratoires ;
- Augmentation des hospitalisations pour des maladies du système génito-urinaire ;
- Augmentation des taux d’asthme chez les enfants et de décès associés à l’asthme ;
- Risque accru que les enfants développent une leucémie lymphoblastique aiguë.
Ce ne sont là que les effets les mieux documentés de la fracturation sur la santé humaine qui sont actuellement disponibles. Bon nombre des plus de 1000 produits chimiques différents utilisés dans la fracturation ne manquent pas d’informations de base sur leurs effets toxiques. Une surveillance accrue de la pollution atmosphérique due aux opérations de gaz de schiste est également nécessaire pour mieux comprendre l'étendue complète des impacts des polluants sur l'environnement local et la santé humaine. Par conséquent, la liste des maladies et des affections associées à la fracturation s'allongera probablement avec plus de recherche dans les années à venir.
La littérature médicale indique clairement la nécessité d'interdire la fracturation hydraulique dans la province.
Bien que nous nous concentrions ici sur la fracturation hydraulique, nous serions négligents si nous ne vous rappelions pas également les effets néfastes du gaz de schiste sur la santé humaine lorsqu'il est traité, transporté et utilisé comme source d’énergie. Comme la production de gaz de schiste, les usines et les terminaux de GNL libèrent des polluants dangereux dans les communautés environnantes, tels que des composés organiques volatils, des particules, des oxydes d'azote, du dioxyde de soufre et du monoxyde de carbone. Ces polluants sont associés à des taux accrus de maladies cardiaques, de maladies respiratoires et de certains cancers.
De plus, les émissions de méthane et de carbone provenant de l'infrastructure de GNL et de la combustion de l'énergie ajoutent des combustibles fossiles à une planète en surchauffe rapide. La revue médicale The Lancet a identifié le changement climatique comme la principale menace mondiale pour la santé humaine. En tant que médecins et fournisseurs de soins de santé, nous voyons l'impact des changements climatiques sur les communautés que nous servons. À moins que le gouvernement n'agisse pour éliminer progressivement les combustibles fossiles, les Néo-Brunswickois continueront de subir les conséquences immédiates et à long terme des changements climatiques et de leurs effets dévastateurs sur la santé.
Le système de soins de santé du Nouveau-Brunswick est déjà soumis à des pressions considérables. En tant que professionnels de la santé travaillant dans cette province, nous demandons à votre gouvernement de protéger la santé et le bien-être des Néo-Brunswickois en interdisant la fracturation.
Cette lettre et cet appel à l'interdiction de la fracturation sont appuyés par les organisations énumérées ci-dessous en tant que signataires.
Nous demandons une réunion avec vous pour discuter de ces préoccupations.
Dre Renée Turcotte, au nom de l’ACME/CAPE NB
Dre Melissa Lem, présidente de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME)
Dre Maya R. Kalogirou, présidente de l’Association canadienne des infirmières et infirmiers pour l’environnement (ACIIE)
Dre De-Ann Sheppard, représente du Conseil de l’Atlantique de l’ACIIE