Opinion

Est-ce que la Ville de Moncton s’anglicise de plus en plus?


Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com



À regret, nous sommes plusieurs à constater que la Ville de Moncton s'anglicise de plus en plus. Elle est en train de devenir une ville unilingue, et c’est inquiétant et triste.

Par exemple, il paraît que l’Hôtel Beauséjour est devenu unilingue anglais, de l’accueil à la documentation dans les chambres. Devrons-nous faire une campagne de boycottage de ces commerces qui ne nous respectent pas dans notre langue? Notre argent est pourtant de la même couleur et de la même valeur que leur argent.

Nous sommes parfois nos pires ennemis. Nous vivons pour la première fois avec une jeunesse qui est parfaitement bilingue. Trop de jeunes ne se formalisent pas d’utiliser prioritairement leur langue française, parce qu’ils sont capables de ‘swicher” à l’anglais du fait qu'ils sont justement bilingues. Qui eut cru un jour que le bilinguisme chez nos jeunes deviendrait un problème? Il faudrait que la Fédération des jeunes francophones du Nouveau-Brunswick en fasse un dossier prioritaire, car ce phénomène se passe partout au Nouveau-Brunswick.

Et pourtant, la communauté acadienne de Moncton est une vache à lait pour cette municipalité. On n’a qu’à penser à des institutions comme l’Université de Moncton ou encore l’Hôpital Georges-Dumont qui sont parmi les plus grands employeurs de cette ville. Et que dire des commerces et entreprises à propriété acadienne qui pullulent! Depuis une vingtaine d’années, la gente entrepreneuriale acadienne assure un leadership certain et dynamique dans le développement économique de cette ville. Ce n’est pas assez reconnu et célébré.

Sur onze conseillers et conseillères à l’Hôtel de ville, cinq d’entre eux sont Acadiens et Acadiennes. L’ancien conseil comportait une majorité de conseillers municipaux acadiens. Il serait peut-être temps que ces conseillers et conseillères poussent pour des campagnes de sensibilisation, avec le gouvernement provincial, portant sur l’importance de parler notre langue dans les commerces. Ces campagnes devraient cibler la jeunesse acadienne, et même anglophone. Nous devrions promouvoir davantage le français. Et que dire de l'affichage commercial et public qui est presque tout unilingue?

Je fréquente sporadiquement les débits de boisson. Il y a un phénomène bizarre qui s’est créé. Bien souvent, la clientèle acadienne est très majoritaire dans ces établissements, alors que la très grande majorité des serveurs et serveuses sont des unilingues anglophones. Les plus à plaindre sur le plan linguistique sont justement ces unilingues en anglais. C’est comme s’ils étaient devenus les nouvelles Sagouines anglophones d'aujourd'hui et de demain. On retrouve le même phénomène dans les Tim Hortons de ce monde. Les unilingues anglophones sont-ils condamnés à devenir les serviteurs modernes des Acadiens et des Acadiennes? Ça ne me réjouis pas.

Par ailleurs, le monde du taxi est problématique sur le plan linguistique. Une très grande majorité des chauffeurs de taxis sont des nouveaux arrivants, principalement unilingues en anglais. Comme je n’ai plus de voiture, je prends souvent des taxis, donc je peux en témoigner. Des cours de français gratuits devraient être offerts à ces personnes. On pourrait même aller jusqu’à dire que de tels cours devraient être obligatoires. Les chauffeurs de taxis sont les premières images de ce qu’on se fait d’une ville.

L’Acadie offre beaucoup à la Ville de Moncton. À part le tournoi mondial de hockey junior en fin d’année dernière, ce sont surtout le Sommet de la francophonie de 1999 et le Congrès mondial acadien de 2019 qui ont contribué à mettre Moncton sur la mappe mondiale. Il me semble qu’en retour, la ville devrait nous reconnaître et nous mieux nous respecter en adoptant des politiques linguistiques plus vigoureuses. Le mouvement actuel d’accélération de l’anglicisation de Moncton n’est pas irréversible.

J'espère que je ne suis pas trop alarmiste sur l'état et l'avenir linguistiques de la Ville de Moncton, mais j'ai peur d'être tristement réaliste.