Opinion
Cri de terre contre la faim
Les journaux nous apprenaient récemment que la faim s’était intensifiée dans le monde en 2023 et que près de 282 millions de personnes dans de nombreux pays étaient ainsi confrontées « à une insécurité alimentaire aiguë » ou, pour l’exprimer de façon plus prosaïque, qu’elles étaient en train de mourir de faim.
C’était 22 millions de plus qu’en 2022 et la cinquième année consécutive où l’on assistait à une telle augmentation. Quelque 600 000 d’entre elles se trouvaient d’ailleurs à Gaza, victimes du génocide en cours - un chiffre qui a depuis grimpé à plus de 1,1 million de personnes.
À moins de nous être retrouvés dans une telle situation, ce qui risque peu de nous arriver ici, nous pouvons difficilement mesurer le niveau de souffrance physique et de détresse psychologique que cela implique. Ces situations ne nous en affectent pas moins, en témoignent les très nombreuses manifestations partout dans le monde pour que cesse la famine et la tuerie de masse perpétrée par l’État d’Israël en territoire palestinien.
Nous ne sommes plus dupes, depuis le temps, des appels lancés par des ténors des organismes internationaux en vue de créer une certaine volonté politique pour mettre un terme à ces famines. Ce ne sont là que des vœux pieux, visant tout au plus à noyer le poisson dans l’eau.
Ces appels, nous le savons, témoignent d’un parti pris idéologique où l’on refuse de reconnaître l’intérêt manifeste des pays riches et des riches industriels dans le maintien et l’augmentation de leurs pouvoirs économique, technologique et politique. Cet intérêt ne les amène pas à éliminer la pauvreté ou plus généralement à protéger la vie sur la planète.
Elles les amène au contraire à perpétuer sans retenus l’exploitation des populations pauvres en entretenant les luttes, les conflits et les guerres qui servent leurs intérêts, engendrant sans état d’âme la misère des populations, des tueries, des déplacements de populations ou, dans le cas qui nous concerne, des famines – entraînant aussi, il faut le dire, les changements climatiques aussi en partie responsables de ces famines.
Oxfam, qui lutte contre la pauvreté, partage ces vues : «Il est impardonnable, écrit l’organisme, que plus de 281 millions de personnes souffrent de faim aiguë alors que les plus riches du monde continuent de réaliser des profits extraordinaires, y compris les sociétés aérospatiales et de défense qui contribuent à alimenter les conflits, principale cause de la faim».
La question qui se pose est toujours la même, de notre point de vue, soit de celui des sans-voix: Que pouvons-nous faire pour mettre un terme à ces famines et autres fléaux? Poser la question, c’est y répondre : nous ne pouvons pratiquement rien faire. Nos propos, nos demandes et nos cris sont sans conséquence réelle, aussi nombreux que nous soyons à les exprimer.
Et c’est là que se pose l’importante question de la démocratie, ce vocable dont on nous rabat sans cesse les oreilles. Parce que ce terme, voyez-vous, n’a cessé d’être perçu comme quelque chose de dangereux et de néfaste pour l’intérêt des élites que jusqu’à ce qu’il puisse être utilisé comme synonyme de suffrage auprès de populations rendues blasées par leur perpétuelle exclusion du domaine public.
Le suffrage n’est pas la démocratie! Et seule la démocratie directe, la vraie démocratie en fait, nous permettra un jour, collectivement, de mettre un terme aux famines et aux guerres perpétrées dans la vaste majorité des cas dans le seul intérêt des riches et des possédants. Pour changer les choses, il faut que nos voix soient entendues! Elles ne le seront jamais dans le contexte de sociétés capitalistes qui empêchent cette démocratie et qui nous laisse sans voix et impuissants à changer les choses.
Bruno Marquis
Gatineau