Opinion

Changeons le nom de l’Université de Moncton!


Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com



Il est de ces débats qui reviennent à peu près à chaque décennie, et celui du changement de nom de l’Université de Moncton en fait partie. Il faudra bien que cela aboutisse un jour. Le patriote acadien Martin Légère en avait fait un dossier fétiche à son époque, sans succès. Au risque de me faire lancer des tomates et des bêtises par la tête, mais aussi au risque de ramasser beaucoup de supporteurs, je veux remettre d’actualité le changement du nom de l’Université de Moncton.

Avec la réforme de la gouvernance locale, on a assisté à une flopée de renommage de municipalités ces derniers temps, sans que le ciel ne nous tombe sur la tête. Cette période est vraiment positive et peut constituer un moment propice pour modifier aussi le nom de l’université acadienne par excellence.

Il est commun, dans l'histoire de l'humanité, que de grandes institutions changent de nom. Ainsi, par exemple, la SDN (Société des Nations) est devenue l'ONU (Organisation des Nations-Unies). En créant notre université, on a englouti les noms des Collèges du Sacré-Cœur, de Saint-Louis, de Saint-Joseph et de Jésus-Marie, et les diplômes délivrés par ces institutions restent valides et reconnus aujourd'hui.

Dans ce même esprit de changer les noms et d'éliminer de l'histoire d'infâmes personnages, dans la ligue de football américain on retrouve celui des Redskins (nom autochtone) pour les Commanders de Washington. À Halifax, on a déboulonné la statue de Cornwallis parce qu'il était un collectionneur de scalps autochtones.

Le changement de nom, survenu l’an dernier, de la célèbre Université Ryerson de Toronto, demeure l'exemple le plus récent et spectaculaire d'un changement de nom d'université. Celle-ci est devenue la « Toronto Metropolitan University ». Cette université n'a pas perdu son lustre et sa notoriété pour autant. Son nom fut changé parce que Ryerson était le personnage historique qui avait implanté les pensionnats autochtones.

Il est inspirant de voir comment cette université ontarienne présente sa décision. Elle affirme que son nouveau nom est porteur d'un avenir rempli de possibilités, pour dire au monde pourquoi elle existe et de quoi elle est façonnée. On ajoute que ce nouveau nom est, pour elle, une invitation à être plus inclusive et à renouveler sa façon de penser et de créer. On saisit cette occasion pour réaffirmer ses valeurs. Tout cela pourrait s'appliquer au nouveau nom de notre université. Le nouveau plan quinquennal de notre université parle de créativité et d’attractivité : un changement pourrait donner un élan à ces perspectives.

Il est gênant d'avoir à expliquer à des étrangers que notre université acadienne porte le nom d'un des pires tortionnaires de notre peuple. Il ne viendrait jamais à l'esprit, même pour une fraction de seconde, que le peuple israélien puisse nommer une université comme l'Université Hitler de Jérusalem. La comparaison est peut-être exagérée, heurtant l'imaginaire, mais il s’y trouve un fond de vérité, même si toute comparaison est boiteuse.

Il est temps que l'on se réapproprie la grandeur de notre histoire en appelant tout simplement notre université : Université de l'Acadie. On n'en a rien à cirer qu'une université anglophone en Nouvelle-Écosse s'appelle « Acadia University ». D'une manière ou d'une autre, cet état de fait s'appelle de l'appropriation culturelle. C'est une marque de commerce qui ne se traduit pas. La réciprocité s'appliquerait aussi pour notre Université de l'Acadie. Peut-être qu'Acadia University devrait elle aussi songer à changer son nom?

De plus, étaler le nom de Moncton à Edmundston et Shippagan pour nommer les campus comme cela se fait actuellement, c'est propager l'ignominie, l'irrévérence et l’aplaventrisme ! C'est le nom de l'Acadie qui porte la notoriété nationale et internationale de ce que nous sommes, et non pas le nom de Moncton.

L'on va probablement nous ramener la dévalorisation des diplômes de Moncton comme un argument pour s'opposer au changement de nom. Et pourtant les diplômes donnés par Ryerson sont aussi valables aujourd'hui qu'ils l'étaient l’an passé.

Il est temps de s'affranchir du nom de Moncton comme nom de notre université, ce qui nous maintient dans un état continu d’esclaves et de reclus. Il est temps que nous nous assumions comme peuple à part entière, en commençant par donner un nom approprié à notre université acadienne. Il faut se libérer de ce poids vicié d'avoir à colporter dans le nom même de celle-ci celui de notre oppresseur en chef. Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas en profiter aussi pour changer le nom de la ville de Moncton?