
Opinion
7 Janvier 2025
On pelte fort vers le communautaire
- Partager
La lettre de Norma McGraw la semaine dernière dans un quotidien souligne la déresponsabilisation du gouvernement « d’assurer des programmes sociaux adéquats » à la population. Je voudrais apporter mon grain de sel sur la question qu’elle soulève.
Je crois qu’au Nouveau-Brunswick, cette vision de se tourner vers le secteur communautaire pour livrer des services importants à la population a été promus par Frank McKenna. Selon lui, la ligne de défense contre la pauvreté était d’abord la responsabilité de la famille, ensuite la communauté et en dernier lieu, le gouvernement.
Cette vision s’est poursuivie avec Claudette Bradshaw et Shawn Graham. L’ancienne ministre fédérale a été embauchée en 2006 par le gouvernement Graham pour faire une étude du secteur communautaire. Selon celle-ci, le premier ministre lui aurait dit qu’il voulait faire du secteur communautaire sans but lucratif, le troisième pilier de la société néobrunswickois, au même titre que le secteur privé et le gouvernement.
Dans son rapport : Un plan d’action : Établir les fondements de l’autosuffisance, publié en 2007, Claudette Bradshaw propose ni plus ni moins le désengagement du gouvernement en faveur du secteur communautaire. Selon son rapport, il faut investir dans le secteur communautaire car : «Il permet de réaliser des économies en réduisant les coûts liés à la maladie, à la pauvreté, à l’absence d’éducation, au crime, etc., tout en améliorant la qualité de vie de chacun, diminue la pression exercée sur les services gouvernementaux et ajoute de la valeur aux économies locales.» Elle va même plus loin lorsqu’elle mentionne que : «La situation s’est renversée; les ministères dépendent maintenant des organismes sans but lucratif qui sont sur le terrain pour servir les gens.» et que maintenant «Le rôle approprié du gouvernement consiste à faciliter la prestation de services et non à l’exécuter.»
Ce rapport deviendra en 2009 pour Shawn Graham la base de la mise en place du Plan de réduction de la pauvreté. La lutte contre la pauvreté n’est plus la responsabilité du gouvernement provincial, mais devient maintenant celle de quatre grands joueurs : le gouvernement, le secteur privé, le secteur communautaire et les individus. On oublie cependant de préciser que les deux derniers n’ont pas le même poids que les deux premiers.
J’étais à l’époque, coordonnateur provincial du Front commun pour la justice sociale, et nous nous étions opposés à ce désengagement de l’État vers le communautaire. Nous considérions que faire appel au secteur communautaire pour donner plus de services au public présentait de nombreux problèmes. En voici quelques-uns.
D’abord, les régions urbaines avaient beaucoup plus d’organismes communautaires que les régions rurales, donc il y aurait un déséquilibre dans la capacité d’aider les citoyens. La situation n‘a pas trop changé aujourd’hui.
Les organismes dans les régions anglophones n’auraient pas la capacité de donner des services dans les deux langues officielles. Nous avons à l’époque déposé une plainte officielle auprès du Commissaire aux langues officielles, Michel Carrier, et il nous a donné raison. Je ne pense pas que la situation a beaucoup changé aujourd’hui.
Les programmes ou services publics gérés par le gouvernement provincial sont imputables à l’Assemblée législative. Ces services publics soumettent des rapports annuels accessibles aux citoyens, ont des normes et critères de gestion bien établis, sont soumis à des évaluations et à une vérification financière, disponibles à nos élus. Le citoyen non satisfait peut porter plainte. Le secteur communautaire en contrepartie n’a pas la plupart du temps ces mêmes outils de gestion, le public n’a pas accès aux informations financières et il n’y a pas ou très peu de mécanismes pour porter plainte.
Le secteur communautaire dépend pour son financement des argents du gouvernement, des levées de fonds locales, et du bénévolat. Cette insécurité financière et la dépendance sur le bénévolat pour la livraison de services posent énormément de problèmes au niveau de la qualité, de la quantité et de la continuité des services.
Enfin, se tourner vers le secteur communautaire veut dire qu’il sera presque impossible d’avoir des services coordonnés et de qualité uniforme, car chaque région et chaque organisation n’a pas les mêmes capacités, contrairement à des services publics fournis par la fonction publique et gérer par le gouvernement.
Selon mon humble avis, je considère que ces observations sont encore pertinentes aujourd’hui.
Jean-Claude Basque
Moncton
Je crois qu’au Nouveau-Brunswick, cette vision de se tourner vers le secteur communautaire pour livrer des services importants à la population a été promus par Frank McKenna. Selon lui, la ligne de défense contre la pauvreté était d’abord la responsabilité de la famille, ensuite la communauté et en dernier lieu, le gouvernement.
Cette vision s’est poursuivie avec Claudette Bradshaw et Shawn Graham. L’ancienne ministre fédérale a été embauchée en 2006 par le gouvernement Graham pour faire une étude du secteur communautaire. Selon celle-ci, le premier ministre lui aurait dit qu’il voulait faire du secteur communautaire sans but lucratif, le troisième pilier de la société néobrunswickois, au même titre que le secteur privé et le gouvernement.
Dans son rapport : Un plan d’action : Établir les fondements de l’autosuffisance, publié en 2007, Claudette Bradshaw propose ni plus ni moins le désengagement du gouvernement en faveur du secteur communautaire. Selon son rapport, il faut investir dans le secteur communautaire car : «Il permet de réaliser des économies en réduisant les coûts liés à la maladie, à la pauvreté, à l’absence d’éducation, au crime, etc., tout en améliorant la qualité de vie de chacun, diminue la pression exercée sur les services gouvernementaux et ajoute de la valeur aux économies locales.» Elle va même plus loin lorsqu’elle mentionne que : «La situation s’est renversée; les ministères dépendent maintenant des organismes sans but lucratif qui sont sur le terrain pour servir les gens.» et que maintenant «Le rôle approprié du gouvernement consiste à faciliter la prestation de services et non à l’exécuter.»
Ce rapport deviendra en 2009 pour Shawn Graham la base de la mise en place du Plan de réduction de la pauvreté. La lutte contre la pauvreté n’est plus la responsabilité du gouvernement provincial, mais devient maintenant celle de quatre grands joueurs : le gouvernement, le secteur privé, le secteur communautaire et les individus. On oublie cependant de préciser que les deux derniers n’ont pas le même poids que les deux premiers.
J’étais à l’époque, coordonnateur provincial du Front commun pour la justice sociale, et nous nous étions opposés à ce désengagement de l’État vers le communautaire. Nous considérions que faire appel au secteur communautaire pour donner plus de services au public présentait de nombreux problèmes. En voici quelques-uns.
D’abord, les régions urbaines avaient beaucoup plus d’organismes communautaires que les régions rurales, donc il y aurait un déséquilibre dans la capacité d’aider les citoyens. La situation n‘a pas trop changé aujourd’hui.
Les organismes dans les régions anglophones n’auraient pas la capacité de donner des services dans les deux langues officielles. Nous avons à l’époque déposé une plainte officielle auprès du Commissaire aux langues officielles, Michel Carrier, et il nous a donné raison. Je ne pense pas que la situation a beaucoup changé aujourd’hui.
Les programmes ou services publics gérés par le gouvernement provincial sont imputables à l’Assemblée législative. Ces services publics soumettent des rapports annuels accessibles aux citoyens, ont des normes et critères de gestion bien établis, sont soumis à des évaluations et à une vérification financière, disponibles à nos élus. Le citoyen non satisfait peut porter plainte. Le secteur communautaire en contrepartie n’a pas la plupart du temps ces mêmes outils de gestion, le public n’a pas accès aux informations financières et il n’y a pas ou très peu de mécanismes pour porter plainte.
Le secteur communautaire dépend pour son financement des argents du gouvernement, des levées de fonds locales, et du bénévolat. Cette insécurité financière et la dépendance sur le bénévolat pour la livraison de services posent énormément de problèmes au niveau de la qualité, de la quantité et de la continuité des services.
Enfin, se tourner vers le secteur communautaire veut dire qu’il sera presque impossible d’avoir des services coordonnés et de qualité uniforme, car chaque région et chaque organisation n’a pas les mêmes capacités, contrairement à des services publics fournis par la fonction publique et gérer par le gouvernement.
Selon mon humble avis, je considère que ces observations sont encore pertinentes aujourd’hui.
Jean-Claude Basque
Moncton