L’Acadie dans l’histoire

Le drapeau et l’hymne national de l’Acadie ont été adoptés à Miscouche (1884)


Au cours de la première convention nationale acadienne tenue à Memramcook en 1881, les délégués avaient déterminé un premier symbole national pour l’Acadie en choisissant le jour de l’Assomption de la Vierge comme fête nationale. Trois ans plus tard, lors de la deuxième convention nationale acadienne, l’abbé Marcel-François Richard prononça un vibrant plaidoyer en faveur du choix d’un drapeau national distinct pour les Acadiens. Dans des termes militaires sans équivoque, il y poursuivit le même discours autonomiste qu’il avait adopté à l’occasion de la première convention nationale dont il évoqua le combat mené par plusieurs pour obtenir une fête nationale distincte de la Saint-Jean-Baptiste.

Il faut souligner qu’un concours avait été lancé au préalable dans le Moniteur acadien qui devait permettre aux Acadiens, par le biais d’un suffrage universel effectué dans les paroisses, de choisir leur propre drapeau, un hymne et une devise. Toutefois, « le concours eut peu de succès ».1 La troisième commission, chargée de proposer à la convention un drapeau et un hymne nationaux, devait être présidée par l’abbé Stanislas-J. Doucet. En son absence, la présidence fut accordée à l’abbé Marcel-François Richard qui prononça par la suite le discours précité où il proposa à l’ensemble des délégués le tricolore étoilé.

Le choix d’un hymne national devait s’effectuer par la suite un peu à l’improviste et sous le coup de l’émotion. Alors que les délégués se préparaient à se séparer, l’abbé Richard leur annonça qu’il allait leur montrer le drapeau acadien qu’il avait fait confectionner. Si le choix du drapeau semble, dans une certaine mesure, avoir été déterminé à l’avance, le choix de l’hymne national semble plutôt avoir été fait spontanément, sous l’effet de l’émotion patriotique qui avait atteint une sorte de paroxysme suite au déploiement du drapeau. La scène du dévoilement du drapeau et du choix de l’hymne national est décrite de façon détaillée par Robidoux dans un compte rendu des plus éloquents qui mérite d’être cité dans sa version à peu près intégrale :

« Au moment où les délégués allaient se séparer, M. l’abbé Richard annonce qu’il est en mesure de leur faire voir un échantillon du drapeau national adopté par la Convention. Des hourras frénétiques accueillent cette proposition. M. Richard et le Père Cormier déploient, par un silence solennel, devant un auditoire ému, un superbe drapeau tricolore orné de l’étoile aux couleurs pontificales. »

« L’enthousiasme est universel, de bruyantes acclamations saluent l’étendard national que l’on voit pour la première fois. De toutes part on demande une chanson, les uns suggérant la Marseillaise, lorsque M. Richard entonne d’une voix grave et solennelle l’Ave Maris Stella, que tout le monde répète après lui. C’était un spectacle admirable, saisissant. Le God save the Queen succède à l’Ave Maris Stella, puis M. Richard, prenant la parole, exprime l’espoir que nos musiciens nous donneront bientôt un air national. »

« M. Pascal Poirier, interrompant M. l’abbé Richard, demande la parole pour quelques instants. Plus que tous les autres, il est ému. D’une voix frémissante il nous annonce que pour lui l’air national est tout trouvé, et trouvé d’une manière merveilleuse qui montre le doigt de Dieu, l’intervention de Marie, notre patronne. (…) C’est l’air entonné par M. l’abbé Richard, répété par toute l’assistance, c’est l’air de l’Ave Maris Stella (…). À ce moment des transports d’allégresse éclatent sur toutes les figures, tous les cœurs battent bien haut dans les poitrines. M. Poirier avait frappé juste et sa parole éloquente et enflammée avait porté la conviction dans tous les esprits, embrasé tous les cœurs (CNA, 162-163). »

Ainsi, à la fois l’abbé Richard et Pascal Poirier ont contribué au choix d’un hymne national qu’on attribue exclusivement, le plus souvent, au premier. L’émotion, on le voit, est à son comble. Après quelques interventions de l’abbé Richard et de Pierre-Armand Landry, notamment, le président soumit la proposition à l’assemblée « qui l’adopta au bruit des acclamations enthousiastes de la délégation. » (CNA, 163) On entonna de nouveau « l’air désormais national » (CNA, 163) et, ajouta le Moniteur acadien, « jamais hymne ne fut chanté avec plus d’entrain. » (CNA, 163) Il s’agissait évidemment pour tous d’un moment historique de grande importance qui concrétisait le réveil du peuple acadien et restaurait en quelque sorte la continuité historique rompue par la Conquête et la Déportation. On put lire, en effet, dans un compte rendu du Moniteur acadien : « La scène qui accompagna l’adoption du drapeau et le chant de l’Ave Maris Stella était solennelle et touchante : un grand nombre pleuraient. C’est qu’au lieu de la mort nationale, le peuple acadien saluait dans son drapeau l’emblème de la vie nationale, se levant sur lui pour la première fois depuis 1713. » 2

 


1 Éloi DeGrâce, “L’hymne national acadien”, Les Cahiers de la Société historique acadienne, vol. 16, no1 (1985), p.11 
2 Le Moniteur Acadien, le 21 août 1884, cité par Ferdinand J. Robidoux.


Source :
Les Conventions Nationales Acadiennes Tome I (1881-1890), édition critique établie par Denis Bourque et Chantal Richard avec la collaboration d’Amélie Giroux, Collection Bibliothèque acadienne, © Institut d’études acadiennes, 2013, Université de Moncton.
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