Éditorial

Urgence aux urgences !


Damien Dauphin
damien@moniteuracadien.ca



Notre chroniqueur Jean-Marie Nadeau parle cette semaine de la gratuité des études pour les personnes apprenantes en sciences infirmières. Nous pourrions même aller plus loin en réclamant que, à l’instar du modèle français, les études postsecondaires soient gratuites dans l’enseignement public, quelle que soit la formation suivie. Cela n’empêcherait pas des institutions privées de dispenser des formations payantes. Il y a matière à développer ce point ultérieurement.

S’agissant du dossier de l’examen N-CLEX, Jean-Marie Nadeau blâme avec raison l’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick. Dans la province, il y a une cinquantaine d’organismes de réglementation de professions agréées, donc l’association ci-dessus. Il est surprenant d’y trouver la profession de barbier et celle d’économiste familial. La grande majorité des professions réglementées tournent autour du domaine de la santé.

La crise qui ne cesse de s’amplifier depuis plusieurs années démontre que ces ordres professionnels entravent le développement de la province bien plus qu’ils n’y contribuent. S’agissant en particulier des professionnels de la santé, ces organismes empêchent tout simplement que puisse être recrutée une main d’œuvre d’origine étrangère qui pourrait combler les besoins criants de la province.

Nous avons déjà entendu parler d’histoires de médecins ou d’infirmiers attirés par le miroir aux alouettes du Nouveau-Brunswick et qui, une fois sur place et après avoir tout quitté dans leur pays d’origine, ont découvert qu’ils n’avaient pas le droit d’y exercer leur profession. Durant mon mandat de consul adjoint de France, j’ai été confronté à des cas d’espèce. Certains rentraient en France, dépités ; d’autres restaient ici, malgré tout, mais changeaient radicalement d’orientation professionnelle ; d’autres, enfin, s’en allaient exercer leurs talents au Québec.

Il faut savoir que la province voisine a conclu avec la France, le 17 octobre 2008, une Entente en matière de reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles. Suite à cet accord bilatéral, le Collège des médecins du Québec et son équivalent français, le Conseil national de l’ordre des médecins de France, ont signé un arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) le 27 novembre 2009. Celui-ci est entré en vigueur le 25 novembre 2010.

Tout ceci pour dire qu’il ne suffit pas de conclure un accord, cela prend du temps pour qu’il produise concrètement des effets. Toutes les professions ne sont pas logées à la même enseigne et, pour d’autres, comme les infirmières ou les manipulateurs d’électroradiologie médicale, l’entrée en vigueur n’est intervenue qu’en juillet 2011 et en mars 2012, respectivement.

La volonté politique de produire des instruments législatifs qui permettent de corriger un problème de plus en plus sérieux ne suffit donc pas. Encore faut-il que les organismes de réglementation des professions agréées, qui semblent davantage préoccupés par la défense de leur chasse gardée que par le bien commun, y mettent du leur. Faute de quoi il faudra peut-être, sous réserve que notre cadre constitutionnel le permette, envisager une loi pour, sinon les abolir, du moins les mettre au pas et restreindre au maximum leur capacité de nuisance.

En 1791, en pleine Révolution française, c’est ce que fit la « loi Le Chapelier » qui supprima les corporations (c’est-à-dire, les associations professionnelles). Sans nécessairement en arriver là, le législateur du Nouveau-Brunswick devrait se pencher de toute urgence sur les moyens les plus appropriés pour permettre à une main d’œuvre internationale qualifiée, dans le cadre d’une mise à niveau et aux normes canadiennes, d’exercer son métier le plus rapidement possible.

Des vies sont en jeu. Au cours des derniers mois, trois personnes sont décédées dans les salles d’attente des urgences de divers hôpitaux de la province. Avant que des solutions efficaces soient apportées aux dysfonctionnements dont souffre notre système de soins de santé, d’autres mourront encore sous les yeux de patients qui croupissent pendant des heures interminables dans des salles bondées.

On peut d’ailleurs se demander comment il se fait qu’un homme, qui venait de subir une chirurgie importante, avait été renvoyé si rapidement chez lui plutôt que de rester hospitalisé sous surveillance médicale. Ce n’est malheureusement pas nouveau. Le 2 avril 2021, un de mes amis a souffert d’un accident cardio-vasculaire que l’hôpital qui l’a pris en charge n’a même pas détecté. Il fut renvoyé chez lui le soir même au lieu d’être placé sous observation. Quatre jours plus tard, je l’ai trouvé mort au pied de son lit.

Que nos élus à Fredericton, tous partis confondus, n’attendent plus pour prendre le taureau par les cornes. Agissons maintenant !

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