Éditorial

Le loup dans la bergerie


Damien Dauphin
damien@moniteuracadien.ca


Ce qu’il se passe à Fredericton depuis quelques semaines me rappelle une émission satirique qui passait sur TF1 dans les années 80 : Le Bébête Show. Cette parodie du célèbre Muppet Show brocardait les personnalités politiques de l’époque (à commencer par le président Mitterrand) qui étaient représentées par des marionnettes d’animaux. Imaginez notre premier ministre provincial en chien de prairie, et son ministre de la Sécurité publique en mouffette. Cela vous donne une idée que peut-être Radio-Canada Acadie pourrait explorer.

Aussi vais-je vous faire une confidence : lorsque j’ai appris que Blaine Higgs avait nommé Kris Austin au comité de révision de la loi sur les langues officielles, ma première réaction fut d’éclater de rire. À ce niveau-là, prendre les gens pour des imbéciles relève du grand art.

Naturellement, la communauté acadienne pousse des cris d’orfraie : l’ancien chef de la People’s Alliance qui siège dans le comité de révision de la loi sur les langues officielles, c’est comme le loup dans la bergerie ou le renard dans le poulailler. Posons-nous toutefois cette question : n’aurions-nous pas pêché par imprudence en lui laissant la porte ouverte ? L’homme du fameux « gros bon sens » n’aurait-il pas un peu raison ?

Examinons donc les choses selon sa perspective. Pourquoi pratiquer la ségrégation dans les autobus scolaires alors que les élèves du District scolaire francophone Sud se parlent en anglais lorsqu’ils sont dans ces autobus, ainsi que dans la cour de récréation ?

N’oublions pas que ces écoliers, imitant les adultes dont certains Acadiens avec un haut profil communautaire, ne s’expriment qu’en anglais sur les réseaux sociaux. Alors, pourquoi ne pas fusionner les autobus ? Admettons que dans ce cas précis, la dualité linguistique relève de l’hypocrisie alors que de jeunes acadiens sabordent sans complexe le navire que leurs grands-parents ont construit. Nous connaissons tous des gens atteints de cette anglomanie sur les réseaux sociaux.

La problématique est différente sur le plan de la santé. Pourquoi ne pas fusionner les deux régies et ne faire qu’une seule régie bilingue ? Après tout, j’ai vu des anglophones recevoir le service en anglais à l’hôpital Georges-Dumont (réseau Vitalité), et j’ai moi-même toujours reçu le service en français à l’hôpital de Moncton (réseau Horizon) lorsqu’il m’est arrivé de m’y rendre. Certains disent même que cet hôpital soi-disant anglophone emploie de meilleurs professionnels francophones que son alter ego ! Dans la pratique au quotidien, nos deux régies de santé sont d’ores et déjà bilingues.

Là où il ne saurait être question d’ouvrir le débat, c’est au niveau du commissariat au langues officielles. L’abolir équivaudrait à dissoudre les tribunaux et la police pour faire place à l’anarchie et à l’impunité la plus totale. Des juristes disent que la loi devrait être asymétrique au profit des francophones, et nous croyons en effet qu’elle devrait l’être.

Lorsque des gens comme M. Austin estiment que le commissariat devrait être supprimé, c’est parce qu’ils pensent que la loi est déjà asymétrique à leur détriment. Et s’ils le pensent, c’est parce qu’ils se perçoivent pour ce qu’ils sont réellement : des gens aux capacités inférieures à ceux qui sont polyglottes, et qui regrettent amèrement l’époque de grand-papa durant laquelle leur caste, qui n’avait nullement besoin d’apprendre une autre langue que celle de Shakespeare pour avoir le droit d’exister, exerçait une écrasante domination sur la minorité francophone obligée d’être bilingue pour se faire une place au soleil.

Malheureusement pour eux, les temps ont changé. Nous venons aussi de changer d’heure et de reculer nos pendules de 60 minutes. Certains voudraient revenir 60 ans en arrière, sans Louis Robichaud dans le paysage.

En 2022, nous n’avons pas besoin de ressusciter l’ordre de Jacques Cartier (La Patente). Nous devons exiger clairement et ouvertement de nos politiciens qu’ils ne fassent pas n’importe quoi. Le comité sur les langues officielles doit délibérer de façon transparente, et pas derrière des portes closes. Il est d’ailleurs anti-démocratique que seuls des membres de la majorité au pouvoir y siègent : la révision de la loi sur les langues officielles est l’affaire de tout le monde. Quant aux Acadiens qui en font partie, ils doivent peser de tout leur poids pour faire en sorte que le cadre législatif ne régresse pas. La communauté francophone leur demandera de lui rendre des comptes.

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