
Éditorial
15 Octobre 2024
UNE PRESSE LIBRE EST UNE PRESSE QUI DÉRANGE
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Damien Dauphin
Rédacteur en chef
damien@moniteuracadien.ca
Il y a huit jours, je me suis rendu à la réunion publique ordinaire du conseil municipal d’un gouvernement local de la région. Depuis quelques temps, il y a là-bas deux policiers en faction qui veillent à ce qu’aucun débordement ne vienne perturber le bon déroulement de la séance.
À la fin de celle-ci, j’ai tenté de recueillir un commentaire d’un citoyen qui fait office de figure de proue d’un mouvement de contestation envers un arrêté municipal.
Lorsque ce dernier a vu que je représentais Le Moniteur Acadien, il a déclaré froidement qu’il refusait de me parler… avant d’enchaîner sur un monologue de deux minutes pour m’expliquer les raisons pour lesquelles il refusait de me parler!
En résumé, il n’avait pas apprécié la couverture que votre journal avait faite du dossier qui divise sa communauté (voir notre édition du 19 juin 2024, page 9). Autant dire qu’il aurait préféré être brossé dans le sens du poil.
Lorsque j’écris des articles informatifs, je suis tenu à une stricte neutralité qui m’oblige à faire état des différents points de vue en présence. J’ai le droit d’avoir une opinion personnelle sur toute question de l’heure, mais n’ai pas le droit de l’exprimer dans un article.
Il en va tout autrement dans un éditorial qui, par définition, est un texte d’opinion.
Pour vous qui me lisez, l’équivalent de cet éditorial est le forum public que nous appelons Brasser la cage. Au bas de la page 4, il y a une petite déclaration de non-responsabilité qui, peut-être, passe inaperçue mais qu’il est bon que je reproduise ici.
«Brasser la cage est le forum public du Moniteur Acadien. Votre journal encourage la liberté d’expression et vous invite à en faire usage. Toutefois, les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue ou les positions du Moniteur Acadien ou de ses rédacteurs. La publication de ces opinions ne constitue pas une approbation implicite des points de vue exprimés. Le Moniteur Acadien se réserve le droit, à sa discrétion, de ne pas publier des lettres n’ayant aucune pertinence pour son lectorat.»
Je crois que le monsieur passionné et partisan auquel je fais référence a volontiers confondu mon article avec des textes d’opinion subséquemment publiés sur le sujet. En voici l’inventaire: deux lettres dans l’édition du 26 juin, signées par des lecteurs dieppois aussi passionnés par la défense de la langue française que mon interlocuteur l’est par le dossier qui le touche de près; une lettre dans l’édition du 7 août, signée par l’un des deux qui précèdent; dans l’édition du 14 août, une lettre d’un résident de Shediac; et la chronique de Jean-Marie Nadeau dans sa tribune « Parole d’Acadien » de notre édition du 28 août.
Dans l’édition du 4 septembre, nous avons publié une opinion du maire de Caraquet sur le sujet en question. Celle-ci avait déjà été publiée dans l’Acadie Nouvelle où le chroniqueur Rino Morin Rossignol et mon confrère François Gravel ont eux-mêmes pris position en ce qui a trait à la polémique visée. Or, leur point de vue est à l’opposé de celui du citoyen contrarié qui m’a sermonné. Je ne peux que présupposer qu’il nourrit les mêmes reproches envers les rédacteurs de l’Acadie Nouvelle.
Notons que dans l’édition du 21 août, nous avons publié la lettre d’un couple de Beausoleil qui s’est porté à la défense d’un conseiller municipal que l’un de nos lecteurs de Dieppe avait pointé du doigt à deux reprises. C’est précisément pour encourager ce genre d’interaction que cette notre forum public existe, et il est bien autant que nécessaire que celui-ci reflète la diversité des opinions.
À cet égard, je ne peux que regretter que le monsieur qui n’a pas voulu m’accorder un petit entretien n’ait pas daigné prendre la plume pour exprimer ses idées dans nos colonnes. Au contraire, il m’a dit qu’il accepterait éventuellement de me parler si je soumettais mon article à sa relecture. Concrètement, il voulait endosser mon rôle et se réserver le droit de me censurer.
Sachez qu’une telle démarche est inacceptable et contraire à notre code de déontologie. Encore une fois, si vous souhaitez faire connaître votre opinion, veuillez utiliser la rubrique Brasser la cage. Si le propos est pertinent et ne contient aucun terme injurieux, il n’y a aucune raison pour qu’il ne soit pas publié.
Une presse libre et indépendante est une presse qui dérange, et je reconnais que nous ne pouvons plaire à tout le monde. Il n’est toutefois pas inutile de répéter que la liberté de la presse est au nombre des libertés fondamentales garanties par la Charte canadienne des droits et libertés. De même, la liberté d’opinion et d’expression est proclamée par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (ou droits de la personne).
Il est regrettable que nous soyons confrontés à des tentatives d’intimidation dans notre belle région. Cela étant dit, la situation est autrement plus grave ailleurs dans le monde. Cette mise en perspective n’offre toutefois aucune consolation.
À ce jour, 42 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions depuis le début de l’année, et 467 placés en détention. En tête du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2024, on retrouve trois monarchies scandinaves. Le Canada se classe au 14e rang. Il gagne une place par rapport à 2023 et fait mieux que la France (21e) et les États-Unis (55e), ces derniers ayant perdu 10 points en un an.
Cependant, ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière ne peut que nous intéresser et nous inquiéter car cela risque de faire tache d’huile. La polarisation des idées et la radicalisation des esprits représentent une menace à prendre au sérieux. Au sein de nos communautés où certaines crispations se sont récemment fait sentir, nous ne sommes malheureusement pas à l’abri d’une possible contagion.
Rédacteur en chef
damien@moniteuracadien.ca
Il y a huit jours, je me suis rendu à la réunion publique ordinaire du conseil municipal d’un gouvernement local de la région. Depuis quelques temps, il y a là-bas deux policiers en faction qui veillent à ce qu’aucun débordement ne vienne perturber le bon déroulement de la séance.
À la fin de celle-ci, j’ai tenté de recueillir un commentaire d’un citoyen qui fait office de figure de proue d’un mouvement de contestation envers un arrêté municipal.
Lorsque ce dernier a vu que je représentais Le Moniteur Acadien, il a déclaré froidement qu’il refusait de me parler… avant d’enchaîner sur un monologue de deux minutes pour m’expliquer les raisons pour lesquelles il refusait de me parler!
En résumé, il n’avait pas apprécié la couverture que votre journal avait faite du dossier qui divise sa communauté (voir notre édition du 19 juin 2024, page 9). Autant dire qu’il aurait préféré être brossé dans le sens du poil.
Lorsque j’écris des articles informatifs, je suis tenu à une stricte neutralité qui m’oblige à faire état des différents points de vue en présence. J’ai le droit d’avoir une opinion personnelle sur toute question de l’heure, mais n’ai pas le droit de l’exprimer dans un article.
Il en va tout autrement dans un éditorial qui, par définition, est un texte d’opinion.
Pour vous qui me lisez, l’équivalent de cet éditorial est le forum public que nous appelons Brasser la cage. Au bas de la page 4, il y a une petite déclaration de non-responsabilité qui, peut-être, passe inaperçue mais qu’il est bon que je reproduise ici.
«Brasser la cage est le forum public du Moniteur Acadien. Votre journal encourage la liberté d’expression et vous invite à en faire usage. Toutefois, les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les points de vue ou les positions du Moniteur Acadien ou de ses rédacteurs. La publication de ces opinions ne constitue pas une approbation implicite des points de vue exprimés. Le Moniteur Acadien se réserve le droit, à sa discrétion, de ne pas publier des lettres n’ayant aucune pertinence pour son lectorat.»
Je crois que le monsieur passionné et partisan auquel je fais référence a volontiers confondu mon article avec des textes d’opinion subséquemment publiés sur le sujet. En voici l’inventaire: deux lettres dans l’édition du 26 juin, signées par des lecteurs dieppois aussi passionnés par la défense de la langue française que mon interlocuteur l’est par le dossier qui le touche de près; une lettre dans l’édition du 7 août, signée par l’un des deux qui précèdent; dans l’édition du 14 août, une lettre d’un résident de Shediac; et la chronique de Jean-Marie Nadeau dans sa tribune « Parole d’Acadien » de notre édition du 28 août.
Dans l’édition du 4 septembre, nous avons publié une opinion du maire de Caraquet sur le sujet en question. Celle-ci avait déjà été publiée dans l’Acadie Nouvelle où le chroniqueur Rino Morin Rossignol et mon confrère François Gravel ont eux-mêmes pris position en ce qui a trait à la polémique visée. Or, leur point de vue est à l’opposé de celui du citoyen contrarié qui m’a sermonné. Je ne peux que présupposer qu’il nourrit les mêmes reproches envers les rédacteurs de l’Acadie Nouvelle.
Notons que dans l’édition du 21 août, nous avons publié la lettre d’un couple de Beausoleil qui s’est porté à la défense d’un conseiller municipal que l’un de nos lecteurs de Dieppe avait pointé du doigt à deux reprises. C’est précisément pour encourager ce genre d’interaction que cette notre forum public existe, et il est bien autant que nécessaire que celui-ci reflète la diversité des opinions.
À cet égard, je ne peux que regretter que le monsieur qui n’a pas voulu m’accorder un petit entretien n’ait pas daigné prendre la plume pour exprimer ses idées dans nos colonnes. Au contraire, il m’a dit qu’il accepterait éventuellement de me parler si je soumettais mon article à sa relecture. Concrètement, il voulait endosser mon rôle et se réserver le droit de me censurer.
Sachez qu’une telle démarche est inacceptable et contraire à notre code de déontologie. Encore une fois, si vous souhaitez faire connaître votre opinion, veuillez utiliser la rubrique Brasser la cage. Si le propos est pertinent et ne contient aucun terme injurieux, il n’y a aucune raison pour qu’il ne soit pas publié.
Une presse libre et indépendante est une presse qui dérange, et je reconnais que nous ne pouvons plaire à tout le monde. Il n’est toutefois pas inutile de répéter que la liberté de la presse est au nombre des libertés fondamentales garanties par la Charte canadienne des droits et libertés. De même, la liberté d’opinion et d’expression est proclamée par l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (ou droits de la personne).
Il est regrettable que nous soyons confrontés à des tentatives d’intimidation dans notre belle région. Cela étant dit, la situation est autrement plus grave ailleurs dans le monde. Cette mise en perspective n’offre toutefois aucune consolation.
À ce jour, 42 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions depuis le début de l’année, et 467 placés en détention. En tête du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières en 2024, on retrouve trois monarchies scandinaves. Le Canada se classe au 14e rang. Il gagne une place par rapport à 2023 et fait mieux que la France (21e) et les États-Unis (55e), ces derniers ayant perdu 10 points en un an.
Cependant, ce qu’il se passe de l’autre côté de la frontière ne peut que nous intéresser et nous inquiéter car cela risque de faire tache d’huile. La polarisation des idées et la radicalisation des esprits représentent une menace à prendre au sérieux. Au sein de nos communautés où certaines crispations se sont récemment fait sentir, nous ne sommes malheureusement pas à l’abri d’une possible contagion.