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DU DÉSERT À L’HIVER : UN CHOC CULTUREL RACONTÉ AVEC HUMOUR


Quand Mohamed Bouya Ely Vall a posé le pied sur le sol enneigé de l’Acadie en hiver, il ne parlait ni l’anglais, ni le français. En arrivant à Moncton, l’étudiant d’origine mauritanienne a eu l’impression d’être transporté sur une autre planète. Il a rassemblé ses anecdotes les plus savoureuses dans un one-man-show.

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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien


La Mauritanie est un pays arabophone situé au sud du Maroc et au nord du Sénégal. «P’tit Bouya en Acadie» est une succession de sketchs qui racontent l’histoire d’un véritable choc culturel. Si le jeune Mauritanien, qui provenait tout droit du Sahara, a commencé par affronter un choc climatique, la première barrière qui s’est dressée devant lui est celle de la langue.

Avec sa gouaille et sa chaleur, Bouya a fait s’esclaffer le public venu l’applaudir jeudi soir au Centre des arts et de la culture de Dieppe (CACD).

Fumeur depuis l’âge de 14 ans, il ignorait qu’il ne pouvait griller des cigarettes dans son logement étudiant du bâtiment Lafrance sur le campus de l’Université de Moncton (UdeM). Ses ennuis aux frontières du comique ont débuté dès sa première nuit. De quiproquos en saynètes (utilisation de la machine à laver, réveillon dans le night-club le plus proche), les anecdotes s’enchaînent et l’hilarité ne retombe pas.

Dès son arrivée à l’UdeM, son résultat au test de français (15%) a failli lui valoir un billet de retour à la case départ, mais il s’est accroché. «Au début je croyais que les cours de marketing, c’étaient des cours espagnols. Au cours des dernières années, j’ai rencontré de nombreux obstacles : études, procédures d’immigration, etc. J’ai vécu des expériences qu’on pourrait qualifier de traumatisantes», dit-il toutefois en riant.

Il y eut pourtant de belles rencontres et des expériences enrichissantes, comme le Noël qu’il a passé à Pointe-Sapin, «entouré de mémères», et durant lequel le curé local espérait le convertir au christianisme en l’accueillant à la messe de la nativité.

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Bouya salue Jeanne d’Arc Gaudet venue l’applaudir. (Photo : Damien Dauphin)

Originaire de Pointe-Sapin, l’universitaire Jeanne d’Arc Gaudet s’est un peu reconnue dans les «mémères» de ce conte de Noël. «J’ai trouvé ça amusant. Il y a aussi beaucoup de choses qui résonnent entre nos deux communautés.»

Compréhension entre les cultures

Si le parcours d’immigrant étudiant de Bouya n’a pas été une sinécure, il n’a pas renoncé et prouvé qu’il n’avait pas «vendu des chameaux pour rien». Il s’en est sorti avec les honneurs au moment de la graduation.

«J’ai eu la chance d’être entouré de gens qui m’ont soutenu et aidé tout au long de mon parcours. C’est ce qui a rendu possible tous mes succès et mes réalisations. Grâce à mes collègues et amis de la FÉCUM, j’ai trouvé le courage de continuer. Ils m’ont permis de rester sain d’esprit», a confié celui qui, à l’instar de nombreux immigrants, y compris le rédacteur de cet article, s’est demandé à un moment donné s’il ne devait pas repartir dans son pays natal.

Mohamed Bouya Ely Vall occupe aujourd’hui le poste de directeur adjoint de la FÉCUM. Samuel Frenette est de ces amis qui ont côtoyé Bouya à la fédération étudiante. «Quand je parle de culture avec Bouya, ce n’est pas pour comprendre à quel point la mienne est différente de la sienne, c’est plus pour tenter de nous comprendre un peu mieux comme personnes. C’est ça qui fait de lui quelqu’un d’exceptionnel.»

Les Acadiens de l’Afrique

«P’tit Bouya en Acadie» a ouvert la saison 2024-2025 du CACD. La directrice, Séverine Fox, s’est réjouie de lancer le bal avec un «prince venu d’ailleurs» qui raconte son parcours avec beaucoup d’humour, de rires et un sens inné de la comédie.

«Lieu inclusif qui embrasse la diversité de l’humanité sous toutes ses formes, le CACD est un carrefour culturel qui accueille les gens de tous horizons», a-t-elle dit au public présent.

Ayant concrétisé son rêve sur les planches de La Caserne, Bouya raconte avoir l’impression d’être le héros d’un film hollywoodien. Il dit aussi qu’il a désormais deux cultures : la mauritanienne et l’acadienne. «Les Mauritaniens sont les Acadiens de l’Afrique», affirme-t-il pour expliquer les similitudes entre les deux peuples.

Le directeur adjoint de la FÉCUM a encouragé les étudiants internationaux présents en leur démontrant que tous avaient leur place en Acadie.

«Soyez fiers de vous, de votre culture et de vos valeurs. Nous n’avons pas besoin de changer ce que nous sommes pour faire partie d’ici. Au contraire, nous ajoutons ce que nous sommes à la richesse de l’Acadie. C’est ce qui la rend géniale.»