Chroniques
Quoi? La Nouvelle-France aurait 500 ans?
Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com
Un ami acadien de la Nouvelle-Écosse m’a déjà défini les historiens comme étant “des planificateurs du passé”. Planificateurs du passé en ce sens que, à rebours, ils racontent au meilleur de leurs connaissances ce qui a été vécu par la gent humaine. Dans ce cas-ci, nous allons parler de l’histoire acadienne.
Personnellement, je ne suis pas féru d’histoire, ni de généalogie. Mais je sais très bien que pour un peuple en situation minoritaire comme le nôtre, il est essentiel que des historiens nous racontent. Comme le dit l’adage, “pour savoir où l’on va, il est bon de savoir d'où l'on vient”. C’est ce qu’avait compris le valeureux documentariste acadien Léonard Forest, qui vient de décéder.
Certaines personnes questionnent à savoir si l’histoire est véritablement une science. La plupart des historiens conviennent, par exemple, que la déportation des Acadiens était un génocide. Mais, d’autres historiens vont dire que ça ne l’est pas. Alors, qui croire? Faut-il se fier à une majorité d’historiens ou à leurs dissidents? Personnellement, j’adhère à la thèse du génocide.
En 2004, quand nous avons fêté le 400e anniversaire de la fondation de l’Acadie, nous avons enfin réussi à mettre un point final au débat avec le Québec quant au début du Canada. Nous étions les premiers à nous installer en permanence au Canada… 1604 avant 1608.
Mais voilà qu’un historien en herbe en la personne d’Éric Allard, porte la thèse que la Nouvelle-France date effectivement du 20 mars 1524, quand l’explorateur Verrazano a mis pied à terre en Amérique. Verrazano était un explorateur aux services du Roi de France, alors François 1er. Il a abordé sur la cote de la Nouvelle-Écosse à Norembègue, site que les autochtones de l’époque appelaient déjà ce lieu “Accadie”, terme iroquois qui veut dire “le chef” ou “la tête”. Aujourd’hui, ce lieu porte le nom de Mahone Bay.
Éric me talonne depuis plus d’un an pour me convaincre de sa thèse. De bonne fois, je l’écoute, mais j’en comprends peu.
Pour appuyer sa thèse, il a participé à la production d’un film intitulé “Le royaume perdu” en 2019. Le visionnement de ce film m’a permis de mieux comprendre en partie son raisonnement suite à ses recherches sur la question. Même le valeureux géographe Samuel Arseneau l’appuie dans sa thèse.
L’empressement d’Éric à faire valider sa thèse, c’est qu’il y aura la tenue du Congrès mondial acadien dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse cet été. Il y a même une possibilité que le Président français Macron vienne y faire un tour. Éric voudrait que le monde entier reconnaisse une fois pour toute que la Nouvelle-France, donc la francophonie en Amérique du Nord, a bel et bien 500 ans cette année (même le 20 mars, qui est de nos jours la Journée mondiale de la Francophonie) et non pas 424 ans.
Ce qui nous aurait mis sur la fausse route, c’est que les Américains ont tripoté les faits historiques et géographiques à leur avantage. Ils auraient situé le voyage de Verrazano du côté de la Floride, alors qu’il était au large de la Nouvelle-Écosse. Ils ont ainsi réécrit l’histoire. Pire, Champlain (eh oui, le célèbre) aurait validé la thèse américaine, s’octroyant ainsi l’installation permanente des Acadiens, donc de l’Acadie. C’est pourquoi l’on dit que l’Acadie de 1604 est à l’origine de l’Amérique du Nord et du Canada, alors qu’on devrait situer en 1524 l’implantation de la francophonie en Amérique.
De par cette chronique, je n’ai pas voulu vous donner un cours d’histoire. Mon seul motif est d’attirer votre attention sur la thèse d’Éric Allard : elle mérite de la considération. Éric est prêt à défendre sa thèse dans n’importe quel forum. Il y matière à organiser un véritable débat sur cette question dans le cadre d’un colloque sur l’histoire, par exemple. Le département d’histoire de l’Université de Moncton pourrait s’en occuper. Vivement qu’une telle activité se tienne!