Chroniques
Protégeons les étudiants étrangers en Acadie
Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com
Encore une fois, le gouvernement Trudeau fait fausse route. Il vient de décider de réduire de 35% le nombre d’étudiants étrangers qui pourront venir étudier chez nous. Une telle mesure affectera de façon drastique la capacité de notre Université de Moncton à se tenir à flots. 35%, c’est exactement le pourcentage d’étudiants étrangers à l’Université.
Nous pensons que l'Atlantique, donc l’Acadie, devrait être épargné par une telle mesure. L’Atlantique est en perpétuel rattrapage économique et politique sur le centre du Canada. Le gouvernement fédéral devrait avoir, dans le cas présent, des politiques asymétriques, adaptables aux situations particulières des régions.
La cohorte d'étudiants étrangers dans notre université est un vent de fraîcheur dans les établissements concernés, et une source de rentrée de fonds indispensable. La diversité des cultures que ça représente est un enrichissement culturel pour l’Acadie. De par leur présence ici, ces étudiants deviennent des ambassadeurs privilégiés de l’Acadie quand ils retournent dans leurs pays d’origine.
Mais plusieurs de ces étudiants choisissent de rester au pays après avoir terminé leurs études. Ce faisant, ils réussissent en nous aidant à faire face à la pénurie chronique de main-d’œuvre. Cet impact est d’autant plus important pour les régions du nord-ouest et du nord-est.
Mieux, parmi ceux et celles qui ont choisi de rester, nous décelons des champions de l’intégration à notre société. Nous pensons tout de suite au maire de Shippagan Kassim Doumbia, ou encore au vice-recteur du campus de Shippagan de l'Université de Moncton, soit Sid Ahmed Selouani. Ils ne sont pas les seuls à briller dans la société acadienne. Plusieurs noms remontent à la surface dont Olivier Hussein, qui vient de remporter comme moi le prix d’une des 10 personnalités parmi les plus influentes au Canada-français. Que dire de l’homme d’affaires et leader dans les causes pacifistes, Mohamed Ali M’halla. Nous ne pouvons passer sous silence Moncef Lakouas, Cyprien Okana et surtout la merveilleuse Phylomène Zangio, actuellement présidente de la Commission des droits de la personne au Nouveau-Brunswick (et aussi la « mama » ou la « cousine » de plusieurs acadiens et acadiennes). Il y a plein d’autres personnes de cet acabit, principalement dans le corps professoral.
Nous ne pouvons qu’appuyer le recteur de l’Université de Moncton, Denis Prudhomme, qui réclame que le gouvernement fédéral reporte d’un an l’application de cette nuisible mesure. Mais nous allons plus loin que le recteur, en réclamant qu’une telle mesure ne soit jamais appliquée en Atlantique.
L’Acadie du Nouveau-Brunswick a fait des pas de géant depuis plus de 60 ans lors de l’époque Robichaud. Nous ne pouvons pas nous permettre de ralentir cet élan. Une telle mesure fédérale a pour effet de nous couper le souffle. Nous ne pouvons pas nous permettre cela.
Quand nous parlons d’étudiants étrangers, nous avons le réflexe de surtout faire référence à l’Université de Moncton. Mais là où le bât blesse le plus probablement, c’est au niveau du Collège communautaire du Nouveau-Brunswick. Comme le CCNB a la vocation de former, entre autres, des gens de métiers primaires et essentiels, les retombées immédiates de ces formations sur la pénurie de main-d’œuvre sont indéniables. Nous ne pouvons pas nous permettre un recul en ce domaine, ce que la nouvelle politique fédérale provoquerait démesurément.
Notre société acadienne a évolué considérablement en bien depuis une vingtaine d’années. Elle est de moins en moins blanche et catholique. Moins homogène. L’apport et l’arrivée de nombreux étudiants étrangers y sont irrémédiablement pour quelque chose. Nous devons nous en réjouir.
Ce qui est aussi déplorable, c'est que cette nouvelle politique vient directement en contradiction avec la nouvelle politique d'immigration francophone hors Québec annoncée il y a deux semaines seulement à Caraquet. Nous sommes en droit de demander au gouvernement fédéral de faire montre de plus de cohérence.