Chroniques

Pour un projet de société


Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com


Nous sommes choyés de faire partie d’un peuple comme le nôtre, le peuple acadien. Célébrer l’unicité de notre peuple le jour de la fête nationale du 15 août n’est pas du superflu. Plus que jamais, il faut exprimer la solidité de notre peuple en faisant le bilan de qui nous sommes et vers où nous allons.

Nonobstant tous les efforts bien louables que nous faisons depuis les années 60, notre peuple reste toujours taxé de perdition future possible. Pourtant, nous n’avons jamais été aussi bien organisés depuis des décennies. Il y a des associations provinciales dans chacune des quatre provinces. Nous avons une organisation commune en la Société nationale de l’Acadie (SNA). Nous avons deux universités en l’Université de Moncton au Nouveau-Brunswick et l’Université Ste-Anne en Nouvelle-Écosse. Dans tous les secteurs, ou presque, que ce soit en éducation, chez les femmes et les jeunes et autres, nous avons des organisations provinciales. Et puis, il y a UNI, l’Assomption, nos journaux, nos radios… Nous devrions être blindés contre toute assimilation, mais la réalité est brutale: nous perdons toujours du terrain! Ça exige donc que nous devons changer nos approches et nos façons de faire.

Notre peuple survivra et s’épanouira, ou s’effondrera de par nos façons d’agir et de réagir. Seuls les Acadiens et Acadiennes, incluant ceux et celles qui s’y intègrent, pourront façonner une Acadie à l'abri de sa possible disparition. Le rendez-vous le plus important pour ce faire à moyen terme est la tenue des États généraux de la SANB en 2025.

Lors de ces assises, il faudra que tous les scénarios soient exposés, même contradictoires. Le flou artistique actuel qui nous empêche de définir un projet de société nous entraîne vers notre propre perte. Des visions s’opposent quant à l’avenir de notre peuple, sans que l’on connaisse la teneur de ces visions. Par exemple: "what does want the southeastern Acadian establishment for l’Acadie?” Je mets la phrase en anglais, parce que je l’ai posée souvent en français, sans que l’on me donne une réponse.

Il y a une obsession d’harmonie entre les deux communautés linguistiques, et c’est désirable. Cette harmonie, quant à moi, n’a jamais été aussi bonne, si l’on excepte les tares linguistiques du gouvernement Higgs. Il y a encore chez beaucoup d’Acadiens et d’Acadiennes la peur de l’anglophone qui n’est plus justifiée. Nous devons arrêter de nous empêcher de définir notre avenir qu’en fonction de ce que la communauté anglophone pense.

Il faut que des professeurs d’université fassent de la recherche et pondent un rapport définissant la vision sud-est de l’Acadie. Sans bien saisir ce qu’est cette vision, nous sommes réduits à l’inaction sans perspectives d’avenir.

Il est triste et révoltant de constater que de fait, avant l’adoption de la loi 88, nous étions beaucoup plus homogènes et autonomes qu’aujourd’hui. Auparavant, les écoles et les hôpitaux nous appartenaient de plein gré, surtout par le biais des communautés religieuses, principalement dans le domaine hospitalier. Les hôpitaux avaient des conseils d’administration locaux qui géraient avec les communautés religieuses tout le domaine de la santé. Nous ne saurons jamais être suffisamment reconnaissants envers ces communautés religieuses qui n’ont semé que le bien et la fierté nationale.

L’étatisation par le gouvernement provincial des secteurs hospitaliers, éducatifs et universitaires nous a fait perdre du terrain dans le domaine de la gouvernance communautaire. Seules, les grandes institutions comme Uni, l’Assomption, l’Acadie Nouvelle, le Moniteur acadien et les municipalités ont résisté à cette razzia étatique. Et ce sont de fait les seules institutions qui ont conservé leur plein potentiel de gouvernance communautaire.

Le même phénomène s’est reproduit dans le domaine des études postsecondaires. Tous nos collèges et universités étaient gouvernés à part entière par la communauté, dont les communautés religieuses en étaient les fières fiduciaires. Et ces institutions jouissaient de la plus haute notoriété possible. Je suis fier d’être un diplômé du Collège de Bathurst.

La loi de 63 pour créer l’Université de Moncton est venue brouiller les cartes, en dotant l’Université d’un Conseil des gouverneurs à la merci d’un contrôle gouvernemental, ce gouvernement qui nomme la présidence ainsi que quatre membres du Conseil.

Tout réside là: jusqu’où voulons-nous être autonomes et maîtres de notre destin? Quand nous aurons clairement répondu à cette question, nous aurons en mains un véritable projet de société. Ne pas y répondre serait de l’irresponsabilité collective, à notre détriment. Bonne fête nationale à toutes et tous!