Chroniques

Le défi de l’éducation de nos garçons


Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com


Il y a quelques années, j'avais écrit une chronique sur l'éducation des garçons qui avait suscité des remous et de l'intérêt. J’en reprends ici les principaux éléments.

Plusieurs jeunes hommes s’interrogent sur leur masculinité, pas seulement en termes d’orientation sexuelle, mais surtout sur leur place comme mâle dans cette société. Ce questionnement n’est pas seulement individuel, mais l’est aussi socialement. On remarque chez plusieurs d’entre eux un profond désarroi. Bien sûr, certaines situations vécues par les garçons affectent aussi les filles, mais le propos d’aujourd’hui se concentre sur les garçons.

Plusieurs d’entre eux font l’erreur de croire que leur fragilité masculine est directement liée à la libération des femmes. L’avancement des unes n’est pas inversement proportionnel au désarroi des autres. Tout mouvement libérateur d’un groupe en société ne peut être que libérateur pour l’ensemble de la société.

Il est tout de même intriguant de réaliser que la génération des «babyboomers», qui a été la première à accéder aussi rapidement à une certaine libération individuelle, ait du même souffle raté, d’une certaine façon, ses responsabilités parentales. Pas tous, mais plusieurs d’entre eux, et ce n’est pas être de droite que de le reconnaître.

Plus on y pense, plus il est plausible de penser que cette libération était peut-être apparente et superficielle, sans profondeur réelle. On a foutu en l’air beaucoup de valeurs fondamentales, sans nécessairement les remplacer par des valeurs plus transcendantes. C’est comme si plusieurs d’entre nous ont fait l’apprentissage de la liberté pour s’affranchir de la peur de la société et de s’affirmer, pour sombrer à nouveau dans une nouvelle peur, soit par la peur d’eux-mêmes.

Ceci étant dit, il est rafraîchissant de constater que plusieurs mères monoparentales aient pu réussir à élever héroïquement leurs garçons. Des couples homosexuels en ont fait aussi bien. Ils ont su dans plusieurs cas s’entourer d’amis masculins ou d’hommes de la parenté qui ont su jouer ce rôle de figure paternelle.

On ressasse continuellement les mêmes statistiques comme quoi les jeunes garçons, en plus grand nombre, décrochent de l’école. Toutes sortes d’hypothèses sont mises de l’avant pour expliquer le phénomène, mais aucune ne semble fournir de démonstration valable. Ça passe autant par le peu de professeurs masculins à l’élémentaire que par un curriculum uniforme moins adapté à la dynamique masculine. De tels questionnements peuvent être légitimes, mais ils sont insuffisants.

D’autres diront que, puisque nous vivons de plus en plus dans un monde urbain où les hommes travaillent de plus en plus dans des bureaux, les garçons n’ont plus de modèles masculins d’hommes qui construisent des choses, qui chassent, qui pêchent, qui réparent… C’est comme si les hommes avaient perdu toutes leurs capacités manuelles, sans nécessairement les avoir remplacées par de meilleures capacités intellectuelles et émotives. Ils disent qu’ils auraient aimé avoir de tels apprentissages à l’école, ce qu’ils souhaitent pour les enfants qui suivent. Les travaux manuels devraient peut-être refaire partie du tronc obligatoire des cours à l’école, tant pour les garçons que pour les filles.

Se questionner sur la place de l’homme dans la société d’aujourd’hui n’est pas nécessairement du masculinisme. Il y a effectivement un masculinisme malsain, antiféministe, qui s’est manifesté ces dernières années, en soutenant que les difficultés de l’homme à pleinement s’assumer sont toutes dues à la montée du féminisme. Une telle analyse est réductrice, fautive et abjecte.

L’autre revers de la médaille de ce désarroi certain et de l’absence du père chez plusieurs jeunes hommes est toutefois plus glorieux. Plusieurs de ces jeunes hommes deviennent finalement de bons pères, quand ils font le choix de la paternité. Mais ceux qui choisissent la paternité sont souvent motivés par la volonté de donner à leurs enfants tout ce dont ils ont tellement manqué. Ce comportement est plus répandu que l’on pense, et ça augure bien pour l’avenir.

Nous devons, comme société, nous questionner sérieusement sur le mal de vivre de plusieurs de nos garçons, dès le jeune âge, et agir en conséquence. Le taux de suicide reste toujours plus élevé chez les garçons. Tout ce qui sera fait de mieux pour que nos enfants, garçons et filles, soient mieux outillés pour rentrer de plain-pied dans la vraie vie doit être encouragé.