Chroniques

Déblocage idéologique et politique: enfin un projet de société acadien!


Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com


ll y a des années que j’étais bloqué intellectuellement et idéologiquement face à l’avenir politique de l’Acadie et son autonomie. Mais au Congrès mondial acadien de la Nouvelle-Écosse, j’ai vu de la lumière. C’est dans un rapport des chercheurs Michelle Landry et de Rémi Léger, commandé par les députés fédéraux et sénateurs acadiens, que j’ai enfin débloqué idéologiquement, dans la joie et l’enthousiasme. Ce rapport s’intitule « Le pouvoir politique du peuple acadien au sein de la Fédération canadienne »”. Comme je l’ai dit à la Pointe-de-l’Église, j’ai été “flabergasté” à la réception de ce rapport.

Que ce rapport émane d’une commande de la représentation politique acadienne fédérale est d’autant plus étonnant, c’est qu’on y parle sans gêne de l’autonomie politique acadienne. J’en étais rendu à penser que j’étais seul dans mon coin à rêver à plus d’autonomie politique pour notre peuple. Ce rapport est presque révolutionnaire, il est à tout le moins ingénieux et créatif. Il constitue en grande partie ce qui nous manquait terriblement, soit un projet de société acadien. L’an prochain, les états-généraux de la SANB devront utiliser ce document comme pièce centrale des discussions à organiser.

Ça faisait longtemps que je revendiquais la création non-partisane d’un caucus acadien de la représentation politique acadienne à Ottawa : c’est incroyable, mais c’est concrètement en train de se faire actuellement. Nous ne pouvons qu’être admiratifs et favorables à un tel geste. Le nouveau caucus acadien n’a pas encore ratifié formellement ce rapport, mais le peuple acadien peut dès maintenant se l’approprier et l’utiliser à sa guise.

Le concept majeur à la base de ce rapport, c’est que le parlement canadien voterait une motion définissant officiellement le peuple acadien comme une “minorité nationale”. J’ai toujours été allergique à la notion de minorité de langue officielle. Je ne me suis jamais considéré comme un minoritaire, mais toujours comme égalitaire. La minorisation n’est que numérique, mathématique.

Accoler le mot ‘nationale’ à la notion de minorité, est dans ce cas-ci exprimer une entièreté, soit une égalité réelle. C’est à ce à quoi nous aspirons depuis des décennies. Quel rafraîchissement dans les concepts!

Les principaux modèles qu’utilisent les chercheurs pour introduire ce concept de “minorité nationale” sont les minorités suédophone en Finlande et germanophone en Belgique. On doit dépasser le symbolique, pour enfin reconnaître de façon effective notre existence comme peuple. Au Nouveau-Brunswick, la seule fois que le mot acadien apparaît dans des législations, c’est dans la loi sur le flottement obligatoire du drapeau acadien sur les édifices publics (sauf quand on parle de la Péninsule acadienne). Même dans la Loi sur l’égalité des communautés de langues officielles, on utilise l’insipide notion de communauté francophone. Il en est de même pour la Loi sur l’Université de Moncton: vivement qu’on en change le nom!

Sur le plan fédéral, le concept de peuple acadien n’est utilisé que dans deux cas, soit dans “La Proclamation désignant la “Journée de commémoration du Grand Dérangement”, comme mesure d’excuse aux représailles que nous avons vécu lors de la déportation génocidaire de 1755. L’autre loi mentionnant l’Acadie est “La loi instituant la Journée des Acadiens et Acadiennes”. Le mot “acadien” n’apparaît pas dans aucune autre loi canadienne, ce qui est aberrant.

Si on implante l’idée de minorité nationale, nous serions dotés de pouvoir d’habilitation (« empowerment ») de même que de représentation effective, Ça impliquerait que l’on pourrait avoir une sorte de parlement acadien avec des budgets appropriés. Ça nous rendrait ainsi plus autonomes dans la gestion de notre destinée. On vivrait ainsi plus de cogestion que de strict partenariat. Quel progrès extraordinaire ce serait! Des consultations sur ce rapport sont en cours jusqu’à la fin de septembre 2024

Comme vous pouvez le constater, je n’ai jamais été aussi enthousiaste face à ce que j’appelle un nouveau projet de société pour le peuple acadien. Son avantage est que tous les Acadiens et Acadiennes de l’Atlantique peuvent y être inclus. L’esprit des grands rendez-vous acadiens de 1881 et 1884, de même que celui des nombreuses Conventions nationales qui ont suivi et des CMA actuels serait ainsi respecté et incarné. Plus que jamais, l’espoir pour le peuple acadien si bien chanté par Édith Butler est réalisable! Vive une Acadie plus libre et maître de son destin et de son avenir!