Chroniques

À l’abri des arguments fallacieux


Jean-Marie Nadeau
jmlacadie1@gmail.com


Combien de fois n’entendons-nous pas de la part de plusieurs anglophones que le bilinguisme coûte cher? Pourtant, le bilinguisme et l’égalité réelle linguistique sont les piliers fondamentaux et essentiels de notre identité provinciale et collective.

Est-ce que ces mêmes anglophones ne réalisent-ils pas que c’est surtout à cause d’eux qu’il y a la nécessité de traduire? Quand Louis Robichaud a implanté en 1969 la Loi sur les langues officielles, c’était un geste de grande envergure et d’audace. Et nous devons remercier son successeur Richard Hatfield d’avoir persévéré dans la même veine.

Il a en effet multiplié l’établissement de centres communautaires-scolaires à Fredericton, Saint-Jean et Miramichi. Son gouvernement a surtout établi en 1982 la loi sur l’égalité des communautés linguistiques et leur droit à des institutions homogènes.

Nous devons malheureusement constater aujourd’hui que l’égalité réelle linguistique n’est pas encore du domaine de la réalité. Higgs est un grand faucheur de nos droits. Avec l’élimination des conseils d’administrations des régies de santé (dont certains membres étaient élus) pour les remplacer par ses conseils d’administrations politiques et fantoches, notre communauté a perdu un grand pan d’autonomie.

Je salue favorablement la rébellion des districts scolaires dans leur résistance à appliquer la politique 713.

Radio-Canada s’est fait prendre aussi dernièrement les culottes baissées quand, dans un premier temps, il a clamé qu’il ne diffuserait pas le spectacle du 15 août en cette année du Congrès mondial acadien… pour des raisons financières! Comme une seule personne, l’Acadie s’est levée debout pour objecter à une telle aberration et une telle injustice. Plus que jamais, notre devise “l’union fait la force” a été mise à l’épreuve. Nous avons gagné notre pari une autre fois, et la décision a été renversée. C’est un exemple de combat à reproduire.

Sur un autre plan, soit celui du renouvellement de la gouvernance locale, le gouvernement a fallacieusement plaidé qu’il n’avait pas assez d’argent à mettre dans la cagnotte. Cette réforme municipale aurait pu être un joyau dans l’héritage politique de Higgs. Au lieu de cela, c’est en train de devenir un cauchemar et un échec, et c’est triste. Et pourtant, ce gouvernement est assis sur une fortune qu’il aurait pu équitablement investir dans cette aventure.

Il y a un autre important secteur où les arguments fautifs font défaut, et c’est bel bien du côté de la construction d’écoles. Le gouvernement provincial a annoncé avant Noël sa capacité de ne construire que quatre nouvelles écoles cette année. Comme par hasard, il y avait de l’argent pour trois écoles anglaises et une française. Ce n’est pas très équitable, alors que le besoin de nouvelles écoles est criant dans le secteur francophone. Quant aux capacités financières pour payer de nouvelles écoles, nous savons où l’argent se situe : dans la volonté politique de le faire.

J’en arrive à parler des coûts pour le changement de nom pour l'Université de Moncton. Soyons clairs : peu importe ce que ça coûtera pour changer le nom, ça reste un investissement et non une dépense. C’est un investissement dans le renforcement identitaire, dans la décolonisation et dans la reconnaissance effective et équitable des trois régions.

Enfin, retrouver sa dignité n’a pas de prix. On peut tripoter les chiffres autant qu’on veut, mais il y des limites à ce faire. Et le Comité citoyen s’engage à faire conjointement avec l’Université une campagne de financement populaire pour couvrir ces coûts, peu importe ce qu’ils seront, afin de s’assurer que les étudiants n’aient pas à payer un sou.

Dans notre vie, nous sommes souvent réduits à subir des arguments financiers fautifs. Plus souvent qu’autrement, l’argent est là. Tout ce que ça prend, c’est de la volonté politique. Il y a toujours “moyen de moyenner”, à l'abri des arguments financiers fallacieux.