La Dre Sarah Pakzad et son équipe de l'Université de Moncton ont créé un outil numérique de dépistage des troubles cognitifs chez les adultes de plus de 50 ans : l’Indice de fragilité neurocognitive (IFN). Gratuite pour les utilisateurs, l’application a été validée scientifiquement. Elle devrait être lancée dans les premières pharmacies participantes lundi 9 septembre 2024.
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien
Professeure à l’école de psychologie de la Faculté des sciences de la santé et des services communautaires de l’Université de Moncton, Sarah Pakzad est spécialisée en neuropsychologie clinique de l’adulte et en psychopathologie. Son champ de spécialisation l’amène à étudier la maladie d’Alzheimer et d’autres formes de démence.
Sarah Pakzad travaille sur ce projet depuis 2011. (Courtoisie)
Depuis 2011, la chercheuse et son équipe travaillaient sur un projet visant à mettre au point un outil qui permette de détecter les premiers signes de troubles cognitifs et neurologiques chez les adultes de plus de 50 ans. Après plus de douze années de recherches et de tests, l’application est désormais au point et a été validée.
«Je voulais développer un outil qui soit rapide et fiable, et qui donne les résultats en deux minutes. Je voulais aussi qu’il soit accessible et que tout le monde puisse l’utiliser», a dit Mme Pakzad en entrevue.
L’étude est subventionnée par une Fondation. Dans un premier temps, l’outil sera mis à la disposition des pharmaciens et ceux-ci seront compensés sur une base mensuelle pour chaque utilisation qui en sera faite. Idéalement, le service pourrait être disponible auprès d’autres professionnels de la santé qui en feront la demande sur une base volontaire.
L’équipe de recherche fournit le matériel aux pharmaciens participants qui sont aussi défrayés lorsqu’ils participent à la formation pour apprendre à l’utiliser.
«Tout le monde n’a pas un médecin de famille, mais tout le monde a un pharmacien. L'objectif de ce projet est de montrer l'impact et l'importance de leur travail sur la santé publique et les soins de santé communautaires», a dit Sarah Pakzad.
Le but est de tester les patients qui se plaignent de troubles cognitifs et cherchent de l'aide, ce qui prend environ 10 minutes. Le consentement éclairé du pharmacien participant et du patient est requis lors de l'inscription à l'étude. L'étude durera environ deux ans, jusqu’à la fin de l’été 2026. À l’issue de celle-ci, la trajectoire des patients qui auront eu recours au service sera analysée.
Un déploiement timide auprès des pharmaciens
Début juillet, l’Ordre des pharmaciens du Nouveau-Brunswick a envoyé un courriel à ses membres pour les en informer. À ce jour, peu d’entre eux ont répondu à l’appel qui leur a été lancé.
Monte Steeves, propriétaire d’une pharmacie Jean Coutu sur le chemin Mountain à Moncton, a déclaré ne pas avoir reçu le courriel. Le Moniteur acadien a fait le même constat un kilomètre plus loin, dans une pharmacie Shoppers très achalandée.
C’est notre reportage qui a appris l’existence de l’outil à Seamus A. Bowen, qui possède cette pharmacie. Ce dernier s’est dit intéressé à recevoir l’information de la part de Sarah Pakzad qui s’y est rendue samedi 31 août pour la lui fournir.
Peter Ford est le premier pharmacien de la région à offrir ce service à sa clientèle. (Photo : Damien Dauphin)
En revanche, Peter Ford a bien reçu la notification il y a deux mois. Son officine située boulevard St. George, Ford’s Family Pharmarcy & Wellness Centre, sera la première de la région à offrir le service aux patients qui en feront la demande. Il est à noter que M. Ford est bilingue, tout comme le test cognitif qui sera disponible dans les deux langues officielles du Canada. En raison de la croissance démographique internationale au Nouveau-Brunswick, Mme Pakzad aimerait que l’outil soit éventuellement traduit dans d’autres langues.
«Cela fait plusieurs années que je connais Sarah Pakzad. Elle a développé un outil unique au monde. C’est quelque chose de vraiment fantastique et c’est créé ici à Moncton», s’enthousiasme le praticien.
«Avec Josh Bryant, nous avons fait la formation avec d’autres pharmaciens dans les deux langues officielles, et nous sommes assez fiers de cela.»
Des troubles cognitifs multifactoriels
L’outil prend en compte les critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM). L'application pose des questions d'ordre démographique et fait passer des tests au patient. Les maladies cardiovasculaires, l'hypertension, la sédentarité, l’isolement social ou le diabète de type II sont aussi pris en considération car ces facteurs font une grande différence, a expliqué Mme Pakzad.
«Tous les troubles cognitifs ou de la mémoire ne sont pas forcément liés à une démence précoce, a-t-elle précisé. Il peut s’agir d’un déficit d’attention ou de concentration. La recherche scientifique nous dit que 50% des gens qui ont des problèmes de mémoire souffrent en réalité de dépression. L’outil permet au professionnel de savoir si la personne est à risque ou non, ou s’il y a un autre problème sous-jacent.»
Le pharmacien entre les valeurs dans l'application. À la fin de l'examen, l’outil donne un pourcentage de probabilité que le patient soit atteint de démence en seulement deux minutes. Selon les statistiques, 90% des gens qui ont des troubles de la mémoire ne sont pas au stade précoce de la maladie d’Alzheimer mais ont un problème qui peut être facilement corrigé dès lors qu’il est correctement diagnostiqué et pris en charge.
Les pharmaciens peuvent administrer le test eux-mêmes ou préférer qu'un membre de l’équipe de recherche de l’Université de Moncton teste leurs clients. Dans ce cas, les pharmaciens se contentent d'examiner les résultats de l'évaluation et d'en informer ensuite leurs clients.
«C’est aux gens d’aller voir leur pharmacien pour solliciter le service. Si celui-ci ne l’offre pas encore, ils peuvent lui demander d’adhérer au projet pour lequel il sera payé afin d’offrir un service gratuit aux patients», indique Sarah Pakzad.
Au moment de mettre sous presse, le Moniteur acadien a appris que son point de vente au 123 rue Champlain à Dieppe, la pharmacie Jean Coutu tenue par Dennis Abud, a accepté de rejoindre le programme. Cela porte à quatre, pour le moment, le nombre de pharmacies participantes. Les deux autres sont situées à Fredericton.
À la une : Peter Ford présente les deux affiches qui seront placardés sur la devanture de sa pharmacie, boulevard St. George à Moncton.