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Retenir la main d’œuvre : le défi des entreprises


Il ne suffit pas de faire venir au Nouveau-Brunswick des immigrants francophones. Encore faut-il que ces derniers restent dans la province. Nombreux sont encore celles et ceux qui quittent l’Acadie pour trouver de meilleures opportunités au Québec ou ailleurs. Le forum du Réseau en immigration francophone du Nouveau-Brunswick s’est penché sur les bonnes pratiques des employeurs qui ont cru en l’immigration.

Une intégration économique réussie, ce n’est pas seulement avoir un emploi. Idéalement, il faut que celui-ci corresponde au niveau de compétences et au domaine de formation de l’employé. Là est la difficulté. Si l’emploi ne répond pas aux attentes de l’immigrant économique, à qui on a peut-être vendu du rêve en amont, le risque est grand de le voir partir sous des cieux plus cléments.

Les petites et moyennes entreprises (PME) représentent 98% du tissu entrepreneurial de la province. Pour elles, retenir et fidéliser la main d’œuvre en provenance de l’étranger est crucial. C’est vrai en particulier dans le contexte d’une reprise post-pandémique.

L’atelier a mis en lumière le rôle central des employeurs en matière de recrutement, d’accueil et de rétention. Ce rôle est de premier plan dans l’écosystème de l’immigration. Celle-ci peut représenter un investissement pour les entreprises, et toutes ne sont pas forcément au courant.

Gestionnaire en immigration économique au sein du Réseau de développement économique et d’employabilité (RDÉE), Sandrine Saugrain a présenté les outils disponibles. Travail NB, ONB et IRCC ont des agents et des experts qualifiés pour appuyer les chefs d’entreprise. Quant au RDÉE, il peut les représenter dans les salons internationaux.

Si l’employeur recrute, c’est l’équipe de travail qui fait la rétention du personnel. Un travailleur venu de loin a besoin d’un temps d’adaptation et de formation. Les entreprises doivent accompagner les nouveaux embauchés dans la prise de poste. Il importe d’aider ceux qui ont quitté leur pays natal à trouver de nouveaux repères dans un environnement dont ils n’ont pas l’habitude. La communication est l’une des clés du succès.

« On parle tous le français, mais nos mots ne veulent pas souvent dire la même chose, souligne Mme Saugrain. Cela peut créer des maladresses, et si elles s’accumulent, elles peuvent déboucher sur de véritables conflits en milieu de travail. Il faut avoir un regard bienveillant sur la personne et la famille qui l’accompagne. »


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(Les statistiques d’IRCC sur l’admission des résidents permanents dans la province en 2021 ont été projetées lors du forum. Crédit : Damien Dauphin – Le Moniteur Acadien)


Relève entrepreneuriale

Chaque entreprise est appelée à développer sa propre formule pour intégrer durablement sa main d’œuvre issue de l’immigration. Parmi les immigrants économiques, se trouve parfois la relève entrepreneuriale à qui un patron qui prend sa retraite peut transmettre le flambeau. C’est l’histoire de Stevenson Casimir.

Originaire d’Haïti et arrivé au Nouveau-Brunswick il y a tout juste 9 ans, il a d’abord intégré l’entreprise de fabrication de vêtements de protection, Atlantic Star Uniforms (ASU), en qualité de contrôleur financier. Aujourd’hui, il en est le PDG. Sur 27 employés, 10 sont issus de l’immigration.

« Le propriétaire s’approchait de l’âge de la retraite, et il n’y avait pas de relève. Ça lui faisait mal au cœur de devoir fermer l’entreprise qu’il avait fondée en 1986. C’était son bébé. Avec la Ruche, j’ai proposé un projet de relève à mon patron. L’idée a fait son chemin et aujourd’hui il est très fier de voir que ça continue », témoigne Stevenson.

ASU investit pleinement dans sa main d’œuvre internationale. Elle lui avance des fonds pour les frais de dossier d’immigration et les examens médicaux. En outre, elle met à la disposition de ses nouveaux arrivants un logement gratuit pendant les trois premiers mois. Pour ce faire, l’entreprise a acquis ce qu’elle nomme des « logements transitoires ». Elle assure également le transport de ceux qui n’ont pas encore converti leur permis de conduire ou acheté une voiture.

« Ça ne s’arrête pas le vendredi soir, raconte Stevenson, car le samedi ils vont à l’épicerie, et le dimanche à l’église. On essaie de créer une ambiance jusqu’à ce que ces gens puissent voler de leurs propres ailes. »


La reconnaissance des diplômes et des compétences

Beaucoup d’infirmières et d’infirmiers qui avaient choisi le Nouveau-Brunswick pour travailler ont vu leurs espoirs s’écrouler devant une réalité qu’on leur avait cachée. Dans le cadre d’une profession réglementée, faire reconnaître ses qualifications peut relever du parcours du combattant. En désespoir de cause, ils sont nombreux à avoir quitté la province pour aller au Québec, qui a notamment conclu des ententes de réciprocité avec la France. Le problème touche cependant d’autres corps de métier.

Michel Dufresne, ingénieur civil et PDG de Roy Consultants à Bathurst, estime que les ordres professionnels et les établissements postsecondaires devraient contribuer à la reconnaissance des diplômes et des équivalences. De nouveaux arrivants sont riches d’expériences et de connaissances. Si on ne crée pas les conditions propices à leur rétention, ils s’en iront offrir leurs services ailleurs.

« Imaginez un ingénieur, dans un pays chaud, qui n’a jamais eu à concevoir de fondation pour faire face au gel et au dégel. Il n’a pas besoin de refaire tout son baccalauréat, c’est ridicule. Mais il a peut-être besoin de suivre un module particulier pour l’adapter à la réalité de nos régions », pense-t-il.

C’est précisément la voie dans laquelle s’engage le Collège communautaire du Nouveau-Brunswick. Responsable du soutien à l’accueil et à l’intégration des étudiants internationaux au campus de Campbellton, Honorine Ngountchoup a parlé de la formation centrée sur le développement des compétences.

« Si un immigrant arrive au Canada et qu’il a des compétences, on peut les reconnaître par rapport à ce qu’il vise. Il recevra un complément de formation au Canada. »


Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien