C’est à Irishtown, dans sa circonscription de Moncton-Est, que le ministre Daniel Allain a dévoilé la liste des noms choisis par les nouvelles entités municipales. Sur le littoral acadien du Sud-Est et du comté de Kent, entre culture, histoire et nature, ils célèbrent la beauté de notre territoire et de son héritage.
(Un extrait du tableau général, dans lequel apparaissent les noms concernant les nouvelles municipalités du comté de Kent et du Sud-Est. Crédit : Damien Dauphin - Le Moniteur Acadien)
C’était l’une des étapes charnières de la pleine municipalisation de la province. Tels des fées, conseillers municipaux, comités de transition et citoyens impliqués se sont penchés sur le berceau de leurs localités respectives afin de trouver un nom de baptême pour leur nouveau-né. Parfois, les décisions n’ont pas toujours été faciles à prendre. Dans l’ensemble, elles mettent l’accent sur une fierté accrue, notamment dans les régions acadiennes.
Le ministre des Gouvernements locaux et de la Réforme de la gouvernance locale, Daniel Allain, a rappelé que son administration souhaitait respecter l’identité des communautés, y compris leur langue, leur histoire, leur culture, leur sentiment d’appartenance et les réalités autochtones. Selon lui, une opportunité administrative a permis de mettre en lumière la question identitaire.
(En mêlée de presse, Daniel Allain s’est félicité des noms choisis. L’étape suivante sera consacrée au processus budgétaire des collectivités. Crédit : Damien Dauphin - Le Moniteur Acadien)
« Ce sont des choix qui engagent la prochaine génération. On a vu certaines municipalités aller dans les écoles et parler aux enfants, comme à Cap-Acadie. Ça donne un nouvel élan spectaculaire et une perspective d’avenir à long terme », a-t-il déclaré en mêlée de presse.
L’annonce a été faite dans l’entité 32. Formée de quatre morceaux des DSL de Dundas, Moncton, Saint-Paul et Shediac, elle va prendre le nom de Maple Hills. Un choix unanime du comité de transition qu’assume l’historien Maurice Basque, consultant en toponymie dans le cadre du processus. Il mentionne qu’à Beausoleil, Cap-Acadie et Champdoré, où vivent aussi des anglophones, on n’a pas hésité à mettre l’accent sur l’héritage acadien.
Il a constaté qu’une nouvelle génération d’acadiennes et d’acadiens, fiers d’appartenir à l’Acadie contemporaine, ne vont plus nécessairement tolérer un nom anglais pour plaire au voisin anglophone. C’est le cas à Beaubassin-est et à Cap-Pelé. Il y a vingt-cinq ans, ces communautés n’auraient pas forcément osé mettre « Acadie » dans leur nom. Ailleurs, il voit dans la nature le un fil conducteur dans les choix qui ont été retenus.
Un mariage harmonieux
« La nature nous offrait un terrain plus neutre dans cette juste préoccupation que nous avons aujourd’hui de ne pas offenser des groupes en particulier, même si on le fait souvent sans le savoir. C’est très positif dans une province qui n’a pas toujours donné l’exemple, en imposant autrefois toute une série de noms anglais dans des régions acadiennes et francophones à plus de 90% », explique M. Basque.
A Cocagne, Beausoleil a agréablement surpris Maurice Basque. Il reconnaît que ce choix a fait sourciller certaines personnes à Fredericton. Pour désamorcer les réticences, il leur a expliqué que, dans la culture acadienne, Joseph «Beausoleil » Broussard n’était pas uniquement associé à l’histoire militaire. C’est aussi un héros populaire présent dans des chansons folkloriques et le roman d’Antonine Maillet, Pélagie-la-Charrette, Prix Goncourt 1979.
« Même si on ne connaît pas l’histoire, Beausoleil, c’est français. A Cocagne, on a décidé d’aller vers le patrimoine historique qu’on peut expliquer aux gens. »
De Beausoleil à Beaurivage, l’historien rappelle que, dans le contexte acadien, c’est beaucoup plus que la nature qui est célébrée. Elle se marie harmonieusement avec l’héritage culturel. En outre, les anciens toponymes qui ne figurent pas sur les cartes et désignaient des lieux-dits, des hameaux et des chemins de traverse, ne disparaîtront pas aussi longtemps que, dans la culture populaire, les gens les garderont vivants en leur accordant de la valeur.
(L’historien Maurice Basque a longuement expliqué la signification des noms retenus par les entités municipales. Crédit : Damien Dauphin - Le Moniteur Acadien)
S’exprimant enfin sur le nom de l’entité 25, Maurice Basque explique que puisque « Arcadia » avait déjà été choisi par une entité anglophone, le nom de Nouvelle-Arcadie a été suggéré au comité de transition. Une façon astucieuse de prendre un nouveau départ.
« Ici, c’est le Nouveau-Monde, la Nouvelle-France, le Nouveau-Brunswick. Nouvelle-Arcadie, c’est le pays de Lisa LeBlanc. Qui sait ? Elle en fera peut-être une chanson pour populariser le nom. »
Après le baptême, des rectifications ?
Sous le couvert de l’anonymat, un haut fonctionnaire a déploré que certaines municipalités n’aient pas choisi un nom illustrant leur forte identité francophone. Il a cité en exemple « City of Bathurst ». Pour la mairesse Kim Chamberlain, la possibilité de franciser le nom découle d’un oubli involontaire.
« On n’a pas pensé à enlever le City devant le nom, tellement ça ne fait pas partie du vocabulaire courant que l’on utilise, explique-t-elle. Ce n’était vraiment pas volontaire de notre part, car on tient pour acquis que tout ici est bilingue. »
Il est vrai qu’au cours du processus de consultations, certains ont regretté le caractère hâtif du calendrier, et auraient aimé disposer de plus de temps pour se prononcer. La loi sur la gouvernance locale prévoit néanmoins que celles et ceux qui le souhaitent auront la possibilité de corriger le tir.
Ainsi, l’article 60 permettra aux nouveaux conseils municipaux de changer le nom de leur localité. Daniel Allain souhaite qu’une commission indépendante, qui devrait siéger dès 2024, permettra de faciliter le processus. Il espère cependant que les nouvelles identités dureront au moins cent ans._______________________
Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien