Vingt-deux organismes communautaires du Nouveau-Brunswick bénéficieront d'une augmentation du financement fédéral dans le cadre du Plan d’action sur les langues officielles 2023-2028. Cette annonce a été faite vendredi dernier lors d'un événement organisé au Centre des arts et de la culture de Dieppe.
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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien
Randy Boissonnault se définit comme un produit de la loi canadienne sur les langues officielles.
Le Franco-Albertain a évoqué son parcours et les difficultés rencontrées à l’aube des études postsecondaires en raison de son niveau en français. Grâce à sa détermination, il les a surmontées. Il avait pris conscience de l’enjeu en 1985.
«J’étais un jeune albertain qui passait toute une semaine à l’Université d’Ottawa avec d’autres gens qui s’intéressaient à la politique, et je n’étais pas capable de m’adresser aux délégués car mon français n’était pas assez bon. Ça m’a réellement mis la pression, avec un nom comme Boissonnault, d’être capable de parler la langue de Molière.»
Depuis, il est l’une des incarnations du bilinguisme institutionnel qui fait la particularité du Canada moderne, mais qui n’est pas encore partagé par l’ensemble de la classe politique. « Être bilingue est un atout personnel, social, culturel, économique. Je ne peux pas vous dire jusqu’à quel point j’utilise mon français à travers le monde. »
En compagnie de Ginette Petitpas Taylor qui l’a précédé dans ses fonctions actuelles de ministre des Langues officielles, Randy Boissonnault a fait une mise à jour au sujet du Plan d’action quinquennal sur les langues officielles.
(Randy Boissonnault et Ginette Petitpas Taylor, les parents du plan d’action sur les langues officielles. Photo : Damien Dauphin)
«Quelle joie d’être ici avec l’architecte, la doyenne, la maman du plan d’action sur les langues officielles. Ginette Petitpas Taylor est une force de la nature. Elle a y a mis son cœur et son âme», a-t-il dit avec emphase.
Avec une pointe d’humour, la députée de Moncton-Riverview-Dieppe a dit à propos de la loi que c’était comme si elle avait difficilement accouché d’un bébé. «Il revient maintenant à Randy Boissonnault de bien l’élever», a-t-elle ajouté en provoquant les rires détendus de la salle.
Ce dernier, dont le portefeuille ministériel comprend également l’Emploi et le Développement de la main d’œuvre, a annoncé une augmentation de 62,5 millions de dollars sur cinq ans du financement de base des organismes communautaires de langue officielle soutenus par Patrimoine canadien. Les fonds sont destinés à plus de 300 organismes à travers le pays, dont 22 au Nouveau-Brunswick. Parmi les groupes néo-brunswickois figurent la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), la Société Nationale de l'Acadie (SNA) et le Salon du Livre.
M. Boissonnault a indiqué que les fonds supplémentaires seront disponibles à partir de l'exercice 2023-24 pour permettre aux organisations de couvrir l'augmentation du coût de la vie, de faire face à la hausse des coûts de fonctionnement, d'offrir des conditions de travail compétitives à leurs employés, de répondre aux besoins de recrutement et d'encourager le maintien en poste des travailleurs qualifiés.
Dévoilé en avril dernier, le plan d’action 2023-2028 pour les langues officielles prévoit un investissement supplémentaire de 1,4 milliard de dollars sur cinq ans pour soutenir 33 initiatives nouvelles ou améliorées visant à protéger et à promouvoir les langues officielles du Canada, en particulier dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le soutien fédéral total pour cette période quinquennale devrait s'élever à 4,1 milliards de dollars.
Un plan encore perfectible
La directrice générale de l’Association des artistes professionnels de la province (AAAPNB), Carmen Gibbs, a évoqué plusieurs projets d’intérêt majeur pour le développement du peuple acadien. Ils ne sont pas encore finalisés mais devraient notamment concerner la présence des arts et de la culture dans la petite enfance, et la relation entre les citoyens et les artistes. L’Association développe aussi huit plans d’action culturels avec des municipalités de langue française.
(Les organismes bénéficiaires sont globalement satisfaits de cette annonce mais certains ont émis quelques réserves, que ce soit au sujet de l’absence de certains volets ou encore sur la part dévolue aux anglophones du Québec. Photo : Damien Dauphin)
«Ce n’est pas quelque chose qui bénéficie nécessairement à l’AAAPNB comme telle, mais quand tu démocratises les arts et la culture dans les municipalités, ça rend l’Acadie plus intéressante au niveau de l’attraction et de la rétention. Nous avons de magnifiques projets au service de la société acadienne et du Nouveau-Brunswick.»
Carmen Gibbs ne boude pas son plaisir, mais elle relève que les francophones du Canada hors Québec semblent moins bien nantis que les anglophones qui résident dans la Belle province. «J’ai entendu qu’on allait avoir 12,5% d’augmentation sur le fonctionnement de base. Au Québec, ce sera 25%, donc un financement de base deux fois plus gros pour les anglophones du Québec. Il y a un peu comme deux poids, deux mesures.»
Martin Théberge, président de la SNA, note que les actions que son organisme entreprend à l’international ne peuvent recevoir des subsides de Patrimoine canadien. «Rien de ce que nous recevons dans cette enveloppe ne nous permet d’agir sur tout ce qui découle de nos ententes avec la France et la Belgique, l’OIF et l’Unesco, par exemples Cela demeure pour nous un défi et nous avions demandé à ce que cela soit inclus dans le plan d’action sur les langues officielles.»
M. Théberge a rappelé que le financement de la fête nationale de l’Acadie, initialement aboli par le fédéral mais finalement reconduit pour 2024, a été réduit de moitié. «Même s’il manque 250.000 dollars par rapport à l’an dernier, nous aurons quand même des spectacles d’envergure grâce au Congrès mondial acadien.» Il s’inquiète toutefois que rien n’ait été encore annoncé pour 2025.