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Les déserts médiatiques : un défi pour les médias francophones en milieu minoritaire


Le premier festival international de journalisme de Carleton-sur-Mer, en Gaspésie, fut l’occasion pour les professionnels de discuter des défis auxquels ils sont confrontés. Ces difficultés sont celles que rencontrent votre journal et ses confrères dans les Provinces atlantiques.


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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien



Comme le disait le journaliste et homme politique québécois René Lévesque, « être informé, c’est être libre ». Or, jeunes et moins jeunes « consomment » en continu des nouvelles plus ou moins discutables. Enchaînés à quantité de supports numériques, réalisent-ils que ce trop-plein peut les exposer à ce que certains appellent « l’infobésité » ? Dans les salles de rédaction des médias historiques, des professionnels font des choix pour informer le public.

Dans un monde où les fausses nouvelles sont légion et se répandent comme une trainée de poudre par le biais d’Internet, l’affaiblissement de la presse locale et la disparition progressive des journaux traditionnels représentent une menace pour la démocratie. Chaque fois qu’un organe de presse disparaît, en particulier dans les régions, c’est un désert médiatique qui se crée.

Marine Ernoult est pigiste à l’hebdomadaire La Voix Acadienne (Î.-P.-É.). Chez nos voisins insulaires, les francophones représentent une faible portion de la population dispersée à travers l’île. L’étendue de ce territoire représente en soi un véritable défi, selon notre consœur, Française d’origine, qui y travaille depuis quatre ans.

Le constat est assez semblable chez Gaétan Chiasson, rédacteur en chef du quotidien L’Acadie Nouvelle.

« C’est un journal provincial qui couvre la partie francophone de la province. Nous avons une quinzaine de journalistes. Malgré cela, il existe des déserts médiatiques à l’intérieur des régions que nous desservons. »

À La Voix Acadienne, la relève est problématique. Marine Ernoult confie que sa rédactrice en chef aimerait prendre sa retraite mais ne se résout pas à la faire, faute de candidates ou candidats pour lui succéder.

Directeur général des médias régionaux de Radio-Canada, Jean-François Rioux regrette que, bien souvent, le Québec se résume à Montréal. À son avis, le plus gros problème est le recrutement et la rétention des jeunes. Radio-Canada a mis en place des partenariats avec les universités, dans l’espoir que les jeunes recrutés restent dans leur région. Hélas, bien souvent, ces « espoirs du journalisme local » cèdent aux sirènes de la métropole québécoise. L’an dernier, dans les régions, Radio-Canada affichait chaque mois 70 postes non comblés.

Toutefois, certaines régions sont plus attirantes que d’autres. Sur un ton un peu blagueur, Gaétan Chiasson a évoqué le « vampirisme » de la profession, rappelant que Radio-Canada Acadie lui avait pris deux employés du bureau de Moncton de l’Acadie Nouvelle. Qu’il s’agisse de Caraquet ou de Moncton, il garantit le dépaysement aux jeunes journalistes qui veulent faire carrière. « Viens chez nous, tu vas voir la mer ! »

Depuis quelques années, la tendance dans certains milieux, en particulier en ce qui a trait à l’alimentation, est de privilégier ce qui est local et produit en circuit court plutôt que ce qui provient de l’autre bout du monde. Peut-on en dire autant des médias ? L’information de proximité représente-t-elle l’avenir de la profession de journaliste ?

« Ce que veulent les gens, dit M. Chiasson, c’est qu’on parle de ce qui est proche de leur environnement. De cette façon, ils peuvent s’identifier à l’histoire que raconte la nouvelle. »

Dans cette perspective, le public a un rôle à jouer dans la survie des journaux régionaux. Notre confrère évoque le rapport de proximité qu’un journal entretient avec son lectorat dont les membres sont appelés à devenir des relais dans leurs municipalités. Lorsque la population elle-même contacte son journal pour l’informer d’un événement, cela développe une forme d’intimité, renforce le sentiment d’appartenance et humanise la nouvelle locale.

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(De g. à d. : Gilles Gagné, rédacteur en chef adjoint de Graffici (Gaspésie); Jean-Françoix Rioux, directeur général des Médias régionaux de Radio-Canada; Marine Ernoult, journaliste à La Voix Acadienne; et Gaétan Chiasson, rédacteur en chef de l’Acadie Nouvelle. Crédit : Damien Dauphin)