Dans un récit poignant qui fait écho aux résonances intemporelles des contes d'héroïsme et de résilience, Edwina Ward vient de publier son autobiographie. Elle offre un précieux témoignage de son parcours tumultueux à travers les méandres de l'adversité. Le lancement a eu lieu dimanche dernier à Bouctouche devant un public nombreux.
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Damien Dauphin
Le Moniteur Acadien
Née à Miscou, Edwina Ward a affronté l’adversité de très bonne heure. Ouvrir la malle aux souvenirs a fait resurgir du tréfonds de sa mémoire des instantanés d’un passé douloureux. Marquée par les stigmates de la violence et du non-dit, elle a dû faire face dès son plus jeune âge à des traumatismes profonds. Enfant, elle fut abusée par l’un de ses six frères.
Parmi le public venu applaudir et encourager Edwina, il y avait des gens venus d’aussi loin que Tracadie et Miscou, son village natal. En raison de leur âge avancé, son amie Simone et le père Saulnier n’ont pu faire le déplacement. (Photo : Damien Dauphin)
«Mon histoire est celle de quelqu’un qui a vécu des abus et de la violence sous plusieurs formes, mais aussi celle d’une femme qui a trouvé la force de se relever», dit l’autrice dont le nom résonne désormais comme un hymne à la détermination.
Même l’école ne lui offrait pas toujours le havre de tranquillité qu’elle pouvait en attendre. Elle confie que ses maîtresses la reprenaient toujours sur sa prononciation, ce qui lui causait beaucoup de peine et qui a miné la confiance qu’elle avait en elle. Pourtant, cela n’était rien comparé à ce qui l’attendait.
Le destin, dans sa cruauté parfois insensée, lui réservait encore des épreuves terribles. Maman à 16 ans, elle a dû épouser le père de sa fille pour suivre les conventions sociales de l’époque. Son mari, qui lui a fait quatre autres filles avec une régularité de métronome, se transformait en démon sous l’effet de l’alcool qu’il buvait sans commune mesure. Victime de violences conjugales, Edwina fut laissée pour morte dans une forêt, son corps meurtri et son esprit brisé.
En référence au fait qu’elle a écrit son livre à l’ancienne, sans recourir aux moyens mordernes, Jérémy Parent a offert à Edwina Ward une plume en bois sculpté. (Photo : Damien Dauphin)
«Je ne crains plus de dire qui je suis, d’où je viens. C’est aussi pour que mon parcours puisse, je l’espère, aider d’autres victimes de toutes les formes de violence à prendre la parole pour arriver à se libérer enfin d’un trop long silence nouant la gorge et le cœur jusqu’au plus profond de l’âme», témoigne-t-elle.
Mais ce n'est pas là que se termine son histoire. Au contraire, c'est là que commence son véritable voyage vers la lumière sur un chemin éclairé par des anges de bonté qui, tels Simone, lui ont tendu la main pour la sortir du gouffre. C’est ainsi qu’elle a trouvé la force de se relever, de défier les démons de son passé et de se reconstruire, pierre par pierre, dans un acte de résilience aussi magnifique qu'inspirant.
«Avec le temps, j’ai compris que pour changer, il fallait oser demander de l’aide. Cela n’a pas été facile. Il a fallu du courage pour reconnaître que j’avais besoin de soutien, pour admettre que je ne pouvais pas tout faire seule», convient-elle.
Un amour immense en cadeau
Aujourd'hui, Edwina Ward se tient fièrement devant le monde, portant avec elle les cicatrices de son passé comme autant de témoins silencieux de sa résilience. Devenue thérapeute, elle consacre sa vie à aider les autres à surmonter leurs propres épreuves, offrant son expérience comme un phare dans la nuit, guidant ceux qui cherchent un refuge dans les tempêtes de la vie.
«Mon engagement ne s’est pas arrêté à ma propre guérison. Ayant traversé ces épreuves, je me suis sentie appelée à aider les autres. J’ai travaillé sur des projets pour sensibiliser les gens aux abus, notamment auprès des femmes, des enfants et des personnes âgées pour leur montrer qu’il est possible de se libérer de ces chaînes. Parlez, exprimez-vous, ne laissez jamais le silence vous enfermer», conseille-t-elle avec amour.
Car c’est bien d’amour qu’il s’agit tout au long de ce livre coup-de-poing qui se lit d’une traite. Un amour qu’elle a aussi retrouvé, sans l’avoir cherché, auprès de François Lester LeBreton, son compagnon depuis plus de trente ans. Leur histoire a connu ses hauts et ses bas, surtout dans les premières années de leur relation. À l’image d’Edwina elle-même, elle a défié le temps qui passe. Tous deux avaient en commun d’avoir été blessés par la vie.
«Son cœur grand comme l’univers est devenu mon soleil, reconnaît Lester. Avec tout l’amour qu’elle donne à tout le monde qu’elle rencontre, elle en a encore pour moi. De quelle façon je mérite tout ça ? Je ne le sais pas. Le don naturel d’Edwina est d’aimer, tout simplement.»
Quitter la survie pour la vie
«D’une fille de l’île aux femmes de demain» est le titre de son livre publié aux Éditions Un million de rêves. Est-ce un paradoxe que beaucoup d’hommes aient accompagné Edwina dans le processus qui a abouti à sa publication? Pas vraiment, dans la mesure où tous en sortiraient éclairés et grandis par sa lecture. À commencer par son éditeur, Jérémy Parent, qui l’a guidée au cours des deux dernières années.
«Edwina a un regard doux et sans jugement qui fait du bien à l’âme, dit-il. Quand elle m’a contacté en février 2022, j’ai su qu’il n’y avait pas de hasard.»
Son récit sans fard n'est pas seulement celui d'une vie exceptionnelle, c'est aussi un message d'espoir pour les générations futures. Edwina Ward lance un appel vibrant aux femmes de demain, les exhortant à croire en leur propre force, à ne jamais céder face à l'adversité, et à toujours se relever, même dans les moments les plus sombres.
Dans les mots de cette femme extraordinaire, nous trouvons non seulement un journal de survie, mais aussi un appel à l'action, une invitation à embrasser notre propre pouvoir intérieur et à forger notre destin avec courage et détermination. Ce message puissant s’adresse également aux hommes.
«Son livre est un outil d’espoir et d’accompagnement, déclare Fernand Thibodeau, venu exprès de la Péninsule acadienne pour assister au lancement. Accueillir ses blessures et prendre le temps de les écouter avec son cœur est la source pour grandir intérieurement.»
Le père Zoël Saulnier, guide spirituel d’Edwina, a écrit la préface de l’ouvrage. Ce sont probablement ses mots qui invitent le mieux à s’immerger dans le parcours initiatique de celle qui a posé ses valises dans le comté de Kent, à Cocagne, face à la mer.
«Edwina nous invite à marcher notre vie comme le plus beau des voyages, où l’amour est toujours au rendez-vous malgré les blessures vécues et assumées pleinement. Sa vie aux soirs de tempêtes comme aux matins calmes de son île a été la plus belle des conquêtes.»
À la une : Jérémy Parent, Edwina Ward, Johanne Labonté qui a retranscrit le texte qu’Edwina avait entièrement écrit à la main, et Sonia Soleil qui a agi à titre d’accompagnatrice littéraire. (Photo : Damien Dauphin)