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Des gouvernements locaux acadiens veulent préserver leur identité francophone


Le Cercle acadien de la langue française a tenu une conférence à l’Université de Moncton jeudi 16 mai. Un panel municipal s’est penché sur les défis de l’assimilation et les actions à mener pour préserver la langue et la culture acadiennes.

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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien


Deux maires et deux conseillères municipales ont répondu à l’invitation de Mathieu Gérald. Caissie, président fondateur du Cercle, pour discuter du fait français dans leurs communautés respectives. Louise Blanchard (Caraquet), Maxime Bourgeois (Memramcook), Marie Larivière (Belle-Baie) et Jean-Pierre Ouellet (Haut-Madawaska) constituaient ce panel.

Panélistes
De gauche à droite : Marie Larivière, Jean-Pierre Ouellet, Louise Blanchard et Maxime O. Bourgeois. Photo : Damien Dauphin

«Le Cercle se veut un rempart additionnel pour notre belle langue française, agissant de façon complémentaire aux activités des organismes acadiens plus sectoriels. Il se concentre uniquement à ce que la langue française soit réellement la langue de société, prédominante et affirmée, dans chacune des communautés historiquement acadienne et francophone», a affimé d’emblée M. Caissie, également directeur général de la Communauté rurale de Beausoleil qui est à cheval sur les comtés de Westmorland et de Kent.

Bien que chaque municipalité représentée à la conférence évolue dans un contexte qui lui est particulier, chacune entend mener des actions ayant pour but de favoriser le français sur son territoire. Ainsi, la ville de Belle-Baie veut marquer son caractère francophone et acadien et se doter d’une politique linguistique selon la conseillère Marie Larivière, bien que cela ne soit pas obligatoire pour cette municipalité de la région Chaleur.

Le pas a été franchi par le Village de Memramcook il y a quelques semaines. Le dernier recensement de la population fait état d’une proportion de citoyens anglophones dépassant le seuil fatidique des 20% pour recevoir des services dans leur langue. Selon le maire Maxime O. Bourgeois, les anglophones pourraient représenter le quart de la population de la Belle Vallée lors du prochain recensement.

«Memramcook faisait déjà beaucoup pour accommoder les anglophones, dit-il. Nous voulons que le village préserve son caractère francophone et acadien.»

Combattre l’assimilation des jeunes

C’est la raison pour laquelle Memramcook a lancé sa politique linguistique lors de la dernière Semaine de la fierté française. L’édile affiche des ambitions pour la francophonie acadienne de sa communauté, mais se veut consensuel et aimerait donner aux anglophones des outils pour apprendre la langue française et les intégrer dans la collectivité.

Figure bien connue de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, la conseillère Louise Blanchard s’est déplacée pour remplacer le maire de Caraquet, Bernard Thériault, initialement annoncé mais retenu dans sa commune par une visite du Premier ministre du Canada.

Rappelant le contexte historique entourant la ville de Caraquet, incorporée en 1961, Mme Blanchard a souligné que le cinéma y est projeté en français depuis 1949. Sans le vouloir, l’ancienne cofondatrice du Parti acadien a lancé une petite pique en direction de Dieppe qui lui dispute le rang de capitale de l’Acadie. Alors qu’elle rappelle à l’envi qu’elle est la plus grande ville francophone d’Amérique du Nord hors Québec, Dieppe abrite un complexe cinématographique où l’offre de films en langue française est insignifiante.

Des nuages se pointent-ils à l’horizon de la Péninsule ? De plus en plus de jeunes s’y expriment essentiellement dans la langue de Shakespeare. «Longtemps, Caraquet et la Péninsule acadienne ont été protégées de l’influence assimilatrice des grands centres, mais la donne est en train de changer. L’immigration, le cinéma américain, les réseaux sociaux et les jeux vidéo majoritairement anglophones changent la donne», soupire Mme Blanchard.

Des arrêtés exemplaires à copier

Jean-Pierre Ouellet, maire de Haut-Madawaska, relève qu’avec une population francophone à 90%, sa ville n’est pas tenue de communiquer dans les deux langues officielles. «Il est primordial de promouvoir et de protéger notre culture. Le problème qu’on a avec l’immigration, c’est quand le gouvernement envoie dans certaines régions des réfugiés qui ne parlent ni l’anglais, ni le français», estime l’ancien ministre.
Il a rappelé que sa collectivité a favorisé l’immigration francophone en accueillant début 2021 une quinzaine de familles togolaises suite à un recrutement par la ferme avicole Nadeau. «Lorsqu’elles sont arrivées, elles n’avaient qu’à s’installer dans les appartements : tout était prêt pour les accueillir.»

Le mot de la fin est revenu à Mathieu Gérald Caissie qui entend faire de sa communauté une figure de proue de la francophonie acadienne et néo-brunswickoise. Il a annoncé la première lecture, le mois prochain, d’un arrêté municipal sur l’affichage commercial. Celui s’inspire des exemples donnés par Kedgwick et Tracadie, et il ira un peu plus loin que celui que vient d’adopter Memramcook. Beausoleil a reçu de l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick une enveloppe de 32 000 $ pour aider des entreprises à s’y conformer.

«Le Cercle propose des actions favorisant l’affichage commercial et public en langue française, notamment en incitant fortement l’adoption d’arrêtés municipaux en ce sens. Les arrêtés qui sont à copier sont ceux de Kedgwick, Tracadie et Memramcook qui favorisent réellement le plein rayonnement de la langue française», conclut M. Caissie.