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Cap-Acadie invite ses citoyens à se prononcer massivement au sujet du logo de la ville


La population a parlé, et les élus l’ont entendue. À présent, ils désirent l’écouter. Prochainement, les résidents de Cap-Acadie auront l’occasion d’exprimer leur préférence au sujet de l’image de marque de la municipalité.

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Damien Dauphin
IJL – Réseau.Presse – Le Moniteur Acadien



« Nous avons appris que la consultation publique est cruciale », a reconnu la conseillère Rachel Boudreau.

Lundi 25 mars, le micro était ouvert dans la salle du conseil municipal de Cap-Acadie, à Cap-Pelé. Ce soir-là, les élus sont revenus sur le dossier brûlant de leur nouveau logo controversé. Il est à noter que celui-ci et la charte graphique qui l’accompagne sont d’ores et déjà en ligne sur le site Internet de la ville et ses médias sociaux.

Jennifer et Scott Small
(Jennifer Godin (se levant à gauche) et Scott Cormier (de dos à droite) craignent que la culture acadienne ne disparaisse si les couleurs du drapeau ne sont pas représentées d’une façon ou d’une autre. Photo : Damien Dauphin)

Au nom de la firme Mistral qui en est à l’origine, son propriétaire Pascal DeGrâce fut le premier à prendre la parole.

À titre liminaire, l’entrepreneur a rappelé que depuis sa fondation il y a 15 ans, la firme basée à Dieppe a travaillé sur plusieurs images de marque municipales, dont celles de Cap-Pelé et de Memramcook.

« On n’est pas à notre premier rodéo quand vient le temps de concevoir des identités visuelles pour les municipalités », a-t-il lancé.

M. De Grâce a vanté l’importance de concevoir une image de marque qui plaise à trois types de population : les résidents, les entrepreneurs et les touristes que l’on veut attirer. Il a fait état du processus qui a abouti à la conception du logo à l’origine de la polémique.

Un sondage en ligne a été effectué du 5 au 23 juillet 2023. L’exercice civique a généré 78 réponses, soit moins de 1% de la population locale. Sur la base de cet échantillon probablement peu représentatif, la firme Mistral a dégagé les objectifs visuels de la nouvelle identité de Cap-Acadie. Les concepteurs ont notamment déterminé qu’il ne fallait aucun cliché, ce qui impliquait de s’éloigner des palettes colorimétriques comme le tricolore. Cela leur fut finalement reproché.

In fine, plus de 125 logos ont été créés avant que leur nombre ne soit réduit à deux aux fins d’une présentation le 1er novembre devant le comité de gestion.

L’identité acadienne en danger

Lui-même entrepreneur, l’auteur de la pétition en ligne qui a généré environ 750 signatures pour demander à la ville une révision du processus est d’avis que la firme de communication n’a pas mal travaillé. Scott Cormier a tenu à préciser qu’il n’était pas le représentant du peuple mais qu’il exprimait ses opinions personnelles.

« Vous avez écrit sur Facebook ‘on vous entend’ mais personne ne sait ce qui se passe, car ça ne faisait pas référence explicitement à la controverse du logo. La communication pourrait être meilleure », a-t-il fait observer aux élus.

« On est une des places au Nouveau-Brunswick où on a l’Acadie partout dans la face, en grande partie à cause de l’image de marque de Cap-Pelé comme cœur de l’Acadie. Le monde veut les couleurs acadiennes. Ça n’a pas nécessairement besoin d’être le cœur, mais la culture acadienne a besoin d’être clairement exprimée et de dire qui on est », croit M. Cormier qui redoute, en raison du risque d’assimilation, un effacement de la culture acadienne d’ici une vingtaine d’années.

Sa conjointe, Jennifer Godin, abonde dans le même sens. Déclarant qu’elle était originaire de Caraquet « qu’on dit là-bas être la capitale de l’Acadie », celle qui réside à Dieppe depuis 15 ans a voulu faire « un point psychologique et touristique ». Elle a souligné l’importance symbolique des couleurs du drapeau acadien, point de ralliement de la population depuis 1884.

« C’est dans notre région ici que tout a commencé. Si un Québécois vient au Nouveau-Brunswick faire l’expérience acadienne, il voit les couleurs à Caraquet et à Shediac, mais arrivé à Cap-Acadie il voit le vert qui ne donne pas le même ’feeling’, la même émotion. Si on commence à se mettre en vert, on va se faire oublier de ce monde qui vient exprès sur le littoral acadien », pense-t-elle.

Natacha B., une autre résidente, a blâmé la communauté. « Lorsque seulement 78 personnes répondent au sondage mais que 700 signent la pétition, il y a un problème », a-t-elle indiqué.

Faisant entendre un léger bémol, Natacha pense que l’exercice est l’occasion de faire évoluer le concept d’Acadie au-delà des couleurs du drapeau vers une dimension plus multiculturelle. Selon elle, la charte graphique pourrait idéalement refléter la présence de Mexicains, de Jamaïcains et de Philippins sur le territoire de la Cap-Acadie.

Un nouveau sondage « accessible »

« C’est quand même assez rare qu’autant de citoyens se lèvent pour dire : hey, on ne se voit pas là-dedans. S’ils disent ça, c’est parce qu’ils aiment leur communauté, leur culture et leur langue. Ça m’a rendu fier de mes concitoyens », a témoigné Bernard Richard, qui a siégé au conseil municipal de Cap-Pelé de 1977 à 1980.

Il a évoqué le logo de Cap-Pelé avec le cœur, précédemment créé par Mistral. Selon lui, il s’agit du plus bel exemple de ce qui est acadien sans crier ‘Acadie’ à la face du monde. « C’est beau, c’est bien fait et ça exprime quelque chose. Ça peut être autre chose, mais ça ne peut pas être ce que c’est maintenant », estime-t-il.

« On a vu les commentaires du public. Personnellement, je suis entré en contact avec la personne à l’origine de la pétition juste pour lui dire que nous comprenons à 100% et que nous sommes tous là ensemble pour trouver des solutions », précise le propriétaire de Mistral.

Marc-André Vienneau, maire suppléant de Cap-Acadie, veut régler le problème rapidement car « il ne s’agit que d’un logo et il y a d’autres dossiers plus cruciaux sur la table, comme le logement abordable et l’environnement. »

Reconnaissant qu’il n’existe aucune solution magique, le benjamin du conseil municipal convient qu’il faut recommencer l’étape de la consultation publique. Dans les prochaines semaines, les résidents recevront un pamphlet par voie postale. Chacun pourra donner son opinion au moyen d’un sondage « accessible » qui, outre les réseaux sociaux, aura recours aux vieilles méthodes qui ont fait leur preuve : par téléphone, par courriel ou en personne à l’hôtel de ville. En fonction des résultats, Cap-Acadie déterminera quelles actions entreprendre.

Tout porte à croire que, cette fois, les répondants devraient représenter beaucoup plus qu’un pour cent de la population du territoire municipal.